La première journée de grande chaleur de 2020 risque d’être difficile dans les CHSLD du sud du Québec, alors que des milliers de résidants habitués de jouir de la climatisation devront s’en passer.

La COVID-19 complique singulièrement la situation dans ces établissements : les sorties sont limitées et les rassemblements dans une salle climatisée sont complexifiés. Le personnel doit aussi subir la chaleur sous des couches supplémentaires de matériel de protection.

Environnement Canada a émis lundi un bulletin spécial pour avertir qu’« une masse d’air beaucoup plus chaud devrait envahir la région mardi avec des températures maximums qui devraient atteindre entre 30 et 33 °C mardi, mercredi et possiblement jeudi. L’indice humidex correspondant variera de 35 à 38. »

En après-midi, le gouvernement a admis avoir été surpris et promet de déployer des unités extérieures « à court terme » qui pourraient climatiser des étages complets.

« On se fait un peu prendre avec une canicule au mois de mai, ce qui n’est quand même pas fréquent », a affirmé la ministre de la Santé Danielle McCann en conférence de presse. Le plan qui prévoyait le déploiement de ces climatiseurs extérieurs à partir de juin va être accéléré.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La ministre de la Santé, Danielle McCann

Au Québec, entre le quart et le tiers des chambres des CHSLD publics sont climatisées. Les résidants des autres chambres doivent tenter de profiter d’un peu de fraîcheur dans des « refuges » climatisés ou déshumidifiés, souvent une salle à manger ou un salon.

« Soyez assurés qu’on va faire tout ce qui va être possible », a ajouté Horacio Arruda, directeur national de santé publique, en évoquant la possibilité que les gestionnaires prennent des initiatives locales pour faire face à la chaleur.

Planification impossible

Même ceux qui ont tenté de s’y prendre d’avance n’ont pas pu le faire. Dans les derniers jours, des résidants de CHSLD (ou leur famille) se sont vu refuser l’installation du climatiseur qui occupait normalement leur fenêtre chaque été. Ces établissements attendaient l’avis des experts de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) afin de s’assurer que la propagation du virus ne soit pas facilitée par ces appareils.

« Nous attendons une directive qui nous indiquera si la ventilation et la climatisation peuvent être installées dans les chambres sans poser de danger à nos résidants, a par exemple indiqué Carl Thériault, du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal. « En attendant, il est prévu de bien hydrater les résidants au cours des prochains jours, de les vêtir en fonction de températures élevées et d’utiliser des déshumidificateurs dans les corridors de la plupart de nos sites. » « Nous attendons des directives du MSSS », a ajouté son homologue de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Christian Merciari, à propos des climatiseurs.

En toute fin d’après-midi, ces établissements ont appris que la décision quant aux climatiseurs leur était renvoyée.

« En l’absence de données probantes », l’INSPQ s’est bien gardé d’émettre un feu vert ou un feu rouge général aux climatiseurs de fenêtre. « La décision d’utiliser ces appareils dans la chambre et sur une unité où des usagers suspectés ou confirmés être atteints de la COVID-19 sont hébergés doit être soumise localement à une évaluation du risque pour déterminer si les avantages dépassent les désavantages de l’utilisation de ces appareils », écrit l’Institut dans son document.

L’INSPQ a tout de même fait des recommandations générales : les équipes médicales qui effectuent une opération produisant des gouttelettes de salive sur un malade infecté doivent éteindre le climatiseur afin d’éviter qu’elles ne se répandent dans l’air. La circulation des installateurs doit être minimisée.

« Ça risque d’être chaud pas mal »

Pierre Ayotte vit au CHSLD François-Joseph-Perrault, dans Saint-Michel, depuis le retrait d’une tumeur au cerveau qui a laissé des séquelles, il y a quelques années. Il est non-voyant et a été déclaré positif à la COVID-19.

M. Ayotte profite normalement d’un climatiseur dans sa fenêtre pendant la saison chaude. Lundi après-midi, il n’avait toujours pas reçu la permission de le faire installer.

« Ça risque d’être chaud pas mal, je suis confiné dans une chambre sans possibilité d’en sortir, a-t-il dit en entrevue avec La Presse. Déjà en fin de semaine dernière, « c’était chaud en maudit ». Les employés du CHSLD se plaignaient eux aussi de la température. « Le fait d’avoir la blouse et les masques, ça rend la job bien plus chaude », a-t-il dit.

Depuis peu, M. Ayotte a la permission de marcher dans le couloir de la résidence trois fois par jour pendant 10 minutes, sous la supervision d’une employée. Le reste du temps, il écoute la radio, de la musique ou un livre audio.

« Ça écœure, je trouve le temps long », a-t-il laissé tomber.

– Avec Kathleen Lévesque, La Presse