Le gouvernement Legault a annoncé mardi qu’il investira plus d’un milliard de dollars additionnels en santé en 2020-2021. De l’argent qui servira notamment à améliorer l’accès aux services de première ligne et à mieux desservir des populations vulnérables comme les aînés, les jeunes en difficultés et les personnes handicapées.

Les dépenses en santé augmenteront de 5,3 % en 2020-2021 pour atteindre 42,8 milliards, soit de loin le poste de dépense le plus important du gouvernement. Satisfaite, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, affirme que « ce budget fera école ». Sans la chiffrer, la ministre a mentionné qu’une « réserve pour les situations d’urgence » existe et pourrait servir à financer les interventions en lien avec le COVID-19. Mais pour la ministre, la réponse du réseau de la santé au coronavirus « ce ne sera jamais une question d’argent ».

Embauches difficiles

Dans plusieurs secteurs, Québec prévoit l’embauche de plusieurs travailleurs de la santé, dont principalement des préposés aux bénéficiaires. Mais pour les principaux syndicats, si rien n’est fait pour améliorer les conditions de travail, il sera difficile pour le gouvernement de remplir ses promesses. « Les besoins des bénéficiaires et du personnel surchargé vont rester largement sans réponse avec ce budget », déplore le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Jeff Begley.

Si elle salue « un budget qui n’est pas d’austérité », la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Nancy Bédard, déplore que « rien n’est prévu pour les professionnels en soins ». Elle aurait notamment souhaité une enveloppe dédiée pour l’établissement de ratio d’infirmières par patient dans les hôpitaux. « La ministre dit qu’elle veut éliminer le temps supplémentaire obligatoire. Mais sur le terrain, rien ne bouge », commente-t-elle.

« Il y a une obsession idéologique à ne pas vouloir mettre en œuvre les projets ratios », affirme pour sa part le porte-parole de l’opposition officielle en matière de Finances, Carlos Leitão.

La ministre McCann assure que même si les projets ratio ne figurent pas dans le budget, « il y a des possibilités pour consolider les équipes » de soins sur le terrain. Celle-ci prévoit notamment embaucher 400 infirmières auxiliaires de plus en 2021.

Grâce aux médecins spécialistes

Le 1,2 milliard d’investissements supplémentaires de cette année en santé sera financé en partie par les 313 millions d’économies découlant de l’entente avec les médecins spécialistes signée en novembre dernier. Ces montants seront réinvestis en soins spécialisés. Selon Mme McCann, une partie pourrait aussi servir à embaucher plus de personnel de soin si l’Institut de la pertinence des actes médicaux y consent.

Québec utilisera aussi les 487 millions de dollars qui ont été budgétés en santé l’an dernier sans être réalisés. Cet argent provient notamment d’économies réalisées dans l’achat de médicaments et dans l’embauche de personnel.

La ministre McCann reconnaît avoir eu de la « misère » à embaucher des préposés aux bénéficiaires dans la dernière année, malgré les mesures incitatives mises en place. Mais selon elle, les négociations avec le secteur public qui prévoit des hausses salariales plus importantes pour les préposés aux bénéficiaires permettront de corriger la situation.

Maisons des aînés et soins à domicile

Le budget prévoit bonifier les services aux aînés afin de faire face au vieillissement de la population. En plus de réserver 1 milliard de dollars dans son Plan québécois des infrastructures pour la mise en place graduelle des Maisons des aînés, le gouvernement annonce l’ajout de 900 lits en CHSLD. Cette année, 100 millions supplémentaires sont aussi investis pour poursuivre le développement de l’offre de soins à domicile. Québec compte embaucher plus de ressources pour y parvenir. Mais pour M. Begley, il faut se demander « où se feront ces embauches ». Une récente étude démontre que le développement accéléré des soins à domicile ces dernières années s’est principalement fait grâce à l’embauche d’employés du secteur privé.

Retombées du drame de Granby

Pour faire face à l’augmentation des signalements d’enfants maltraités ou négligés, Québec investit 190 millions supplémentaire cette année. Des effectifs seront notamment ajoutés pour réduire les listes d’attente. Présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Andrée Poirier dit accueillir favorablement le budget qui marque « le retour des services sociaux comme acteur-clé » dans le réseau. « Mais si le milieu continue d’avoir les mêmes conditions de travail, on ne réglera rien », dit-elle.

Plus de soins de première ligne, pas de nouvel hôpital

Le développement des services de première ligne se poursuivra en 2020-2021 alors que 490 millions supplémentaires y seront investis. Ce montant servira aussi à faciliter l’accès à la médecine spécialisée et aux traitements contre le cancer.

Pour 2020-2021, 2,9 milliards de dollars serviront à financer les infrastructures en santé, principalement pour des rénovations d’installations existantes. À l’exception du nouvel hôpital de Vaudreuil en planification, aucun projet de nouvel hôpital n’est à l’étude dans la grande région de Montréal.

Quelques mesures pour les personnes vulnérables prévues dans le budget

1– Le gouvernement prévoit l’ajout de 250 millions de dollars sur cinq ans pour notamment « proposer de nouveaux modèles d’hébergement et de soins de longue durée » aux personnes handicapées.

2– Des mesures d’aide supplémentaires de 126 millions sur cinq ans sont consacrées aux parents d’enfants majeurs handicapés. Dès cette année, celles-ci verront leur soutien augmenter en moyenne de 3700 $ par année. À terme en 2023, il s’agira d’une augmentation moyenne de 9400 $ par année.

3– En santé mentale, des investissements supplémentaires de 260 millions sur cinq ans permettront entre autres d’offrir plus de services aux jeunes ayant un premier épisode psychotique.

4– Le gouvernement compte investir 150 millions en cinq ans pour ouvrir plus de places en maison d’hébergement et pour mieux accompagner les femmes victimes de violence conjugale. « Le cri du cœur des maisons d’hébergement, on l’a entendu », assure la ministre McCann.