L’Organisation mondiale de la santé juge qu’il est encore trop tôt, mais des observateurs s’attendent à ce qu’elle le fasse bientôt. Lorsque l’épidémie de COVID-19 sera désignée comme une pandémie, qu’est-ce que ça changera dans la lutte contre la maladie ? Le point.

La crise du coronavirus est-elle devenue une pandémie ?

Le COVID-19 a infecté des dizaines de milliers de personnes en Chine avant de se propager progressivement à l’étranger dans plus d’une trentaine de pays. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui parle en théorie de pandémie lorsqu’un nouveau virus se propage dans le monde dans des populations qui ne sont pas immunisées, pense qu’il est encore « trop tôt » pour utiliser ce terme par rapport à la crise actuelle. Son directeur général note qu’on n’assiste pas encore à une propagation à grande échelle impossible à contenir. La Dre Anne Gatignol, professeure de microbiologie à l’Université McGill, ne serait pas étonnée pour autant que l’organisation commence à parler de pandémie dans les prochains jours. « Il y a une dissémination très rapide en Corée du Sud, en Italie et en Iran », dit-elle.

Quelle incidence aurait la reconnaissance d’une pandémie par l’OMS ?

Gaston De Serres, médecin épidémiologiste rattaché à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), pense que l’OMS ne parlera de pandémie que si elle est convaincue que la progression du virus est véritablement rendue « incontrôlable ». Les pays qui tentent de le contenir localement en isolant les personnes contaminées et leurs contacts ne vont pas « baisser les bras » pour autant et maintiendront leurs efforts, ne serait-ce que pour ralentir sa progression le plus longtemps possible, prévient le spécialiste. La Dre Cécile Tremblay, infectiologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, pense que l’OMS pourra dégager plus de ressources pour aider les pays en voie de développement en qualifiant la crise de pandémie, mais « que ça ne changera pas grand-chose » pour les pays développés. L’administratrice en chef de la santé publique canadienne, la Dre Theresa Tam, a prévenu lundi que le pays était prêt à faire face à « toute éventualité ».

Jusqu’où peuvent aller les autorités sanitaires dans leurs efforts ?

La Chine, après avoir cherché initialement à taire l’existence du virus, a décidé de recourir à des moyens draconiens pour endiguer sa progression. Plusieurs villes de la province de Hubei ont été placées en quarantaine, limitant de façon draconienne les déplacements de dizaines de millions de personnes. Ces mesures ont été accueillies avec colère par la population, qui dispose de peu de latitude pour protester face à un régime totalitaire. L’Italie, un pays démocratique qui fait face à une récente flambée de cas de coronavirus, a adopté une loi-décret qui impose un isolement de deux semaines à plusieurs villes de Lombardie. Le Dr De Serres note que les autorités sanitaires québécoise et canadienne disposent de pouvoirs « relativement étendus » en cas de crise. Ils doivent cependant les utiliser de façon « proportionnelle à la menace » et éviter les « mesures impraticables », souligne le spécialiste.

Quelles sont les dernières données sur le taux de mortalité du COVID-19 ?

Le nouveau coronavirus s’attaque à tout le monde, enfants comme adultes. Mais comme pour la grippe saisonnière, certaines personnes sont plus à risque de développer des complications qui peuvent rendre l’infection mortelle. Dans une nouvelle étude publiée le 24 février par les autorités sanitaires chinoises, le taux de mortalité associé à une infection au COVID-19 a été établi provisoirement à 2,3 %. C’est donc dire que l’immense majorité (plus de 97 %) des personnes infectées guérissent de la maladie. Ces résultats suggèrent également que les personnes âgées et les personnes qui souffrent déjà de maladies chroniques (comme l’hypertension artérielle, les maladies du cœur ou le diabète) sont plus à risque que les autres. Si les dernières données indiquent que le taux de mortalité est de 2,3 % dans la population en général, il est cependant de 14,8 % chez les personnes âgées de plus de 80 ans, et de 8 % chez les 70 à 79 ans.

Comment le COVID-19 se compare-t-il au SRAS?

Selon les dernières données, le COVID-19 est plus contagieux, mais moins mortel que le «syndrome respiratoire aigu sévère» (SRAS), qui avait fait 774 victimes, dont 43 morts, à Toronto en 2003. Le taux de mortalité du SRAS est de 9,6 %, comparé à 2,3 % pour le COVID-19.

Est-ce que le COVID-19 peut être soigné ?

Comme pour la grippe saisonnière, les personnes atteintes présentent de la fièvre, de la toux et des difficultés respiratoires. Certaines développent une pneumonie. La grande majorité des personnes malades se remet sur pied en se soignant à la maison, sans avoir besoin de visiter l’hôpital. Les personnes à risque de complications doivent être hospitalisées. Pour l’instant, il n’existe ni médicament antiviral pour traiter l’infection ni vaccin pour la prévenir. Mais ce ne sont pas tous les porteurs du coronavirus qui tombent malades : une certaine proportion d’entre eux – difficile à établir pour le moment – ne développent pas de symptômes, les rendant pour le moment invisibles des statistiques officielles. Le taux de mortalité associé au COVID-19, mentionne l’infectiologue Cécile Tremblay du CHUM, est donc appelé à changer, fort probablement à la baisse, puisqu’on saura mieux avec le temps combien de personnes ont réellement été infectées et combien sont décédées.

Comment est apparu le nouveau coronavirus qui cause le COVID-19 ?

On ne le sait pas encore avec certitude. Les analyses génétiques du virus montrent que son ancêtre viendrait de la chauve-souris. Mais un autre animal aurait servi d’intermédiaire pour contaminer l’humain. Trois pistes ont été évoquées : la civette, le serpent et le pangolin – ce dernier étant considéré comme le principal suspect. La viande de pangolin contaminée aurait ainsi été vendue dans un marché public de la ville de Wuhan, capitale de la province du Hubei, située au centre de la Chine. Le premier cas officiel d’infection au nouveau coronavirus a été déclaré le 8 décembre. Le 24 février, Pékin a d’ailleurs annoncé l’interdiction « complète » du commerce et de la consommation d’animaux sauvages.

Comment se transmet le COVID-19 ?

Encore une fois à la manière de la grippe saisonnière, la transmission se fait essentiellement par un contact avec une personne infectée par le virus. Lorsque la personne malade éternue ou tousse, elle émet des gouttelettes qui peuvent contaminer les autres lorsqu’elles s’infiltrent par le nez ou la bouche. Il est également possible d’attraper le COVID-19 lorsqu’une personne touche des objets ou des surfaces contaminées par une personne infectée, puis porte ses mains à ses yeux, son nez ou sa bouche. Par ailleurs, rien n’indique en ce moment que le virus peut simplement voyager dans l’air (transmission aérosol) comme pour la varicelle ou la rougeole – il faut un contact rapproché avec une personne infectée pour être à risque de contracter le COVID-19.

Est-ce qu’une personne infectée, mais ne présentant aucun symptôme peut transmettre le COVID-19 ?

Ce n’est pas encore clair. Selon l’OMS, la principale voie de transmission est le fait d’être en contact direct avec les gouttelettes émises par une personne malade. Mais il reste possible, dit l’OMS, qu’une personne présentant des symptômes légers, comme une toux sèche, puisse transmettre le virus.

Quand disposera-t-on d’un vaccin pour se protéger du COVID-19?

Grâce à une collaboration mondiale des chercheurs en pharmaceutique et autorités sanitaires, «on avance beaucoup», remarque l’infectiologue Cécile Tremblay, du CHUM. Un premier vaccin devrait entreprendre ses essais en avril en Chine – il s’agit d’un vaccin développé pour le SRAS qui a été modifié pour le nouveau coronavirus.

En attendant un vaccin, comment peut-on se protéger du COVID-19 ?

De la même façon que pour se protéger de l’influenza ou de la gastro-entérite : en se lavant les mains régulièrement pendant 20 secondes, en évitant de se toucher le visage avec des mains sales, en toussant dans son coude et en évitant les contacts avec les autres si on est soi-même malade, en se tenant à une distance d’au moins un mètre d’une personne qui présente des symptômes comme la toux ou des éternuements.

Et si on souffre de symptômes de la grippe, doit-on demander automatiquement un test du COVID-19 ?

Non, insiste la Dre Cécile Tremblay. À moins d’être allé soi-même – ou d’avoir été en contact rapproché avec quelqu’un qui y est allé – dans une région touchée comme la Chine, l’Italie, l’Iran ou la Corée du Sud, « vous n’avez pas le coronavirus », dit la Dre Tremblay. « Vous pouvez avoir la grippe, l’influenza, mais pas le coronavirus. Si vous avez besoin de passer le test, on va vous l’offrir », dit-elle. La grippe saisonnière, rappelle la Dre Tremblay, est une menace bien plus réelle au Canada. « Depuis le début de la saison de l’influenza, 1500 personnes en sont mortes au Canada. »