(Montréal) Les poumons ont une capacité inattendue et particulièrement impressionnante à se réparer dès la cessation du tabagisme, ont constaté des chercheurs financés par l’organisme Cancer Research UK.

En bref, explique l’équipe britannique dans les pages du prestigieux journal scientifique Nature, on retrouve dans les poumons certaines cellules qui, pour une raison qu’on ne comprend pas encore, semblent échapper presque complètement aux effets dévastateurs du tabagisme. Dès que le tabagisme cesse, ces cellules commencent à se reproduire et à réparer la paroi des voies respiratoires.

Jusqu’à 40 % des cellules pulmonaires des anciens fumeurs pourront éventuellement être pratiquement identiques aux cellules pulmonaires de gens qui n’ont jamais fumé.

Les chercheurs ont procédé à des biopsies bronchiques chez seize patients. Ils ont ensuite fait proliférer les cellules individuellement, ce qui leur a permis d’en séquencer le génome et d’identifier les mutations présentes.

« Ce qui est intéressant, c’est de démontrer l’hétérogénéité qui existait chez le même patient pour différentes cellules, a commenté le chercheur Yohan Bossé, de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.

« C’est quand même surprenant de voir que chez un même individu, en fait la même biopsie, il y avait des cellules qui étaient mutées vraiment beaucoup, genre 10 000 mutations dans une cellule, versus d’autres tout juste à côté qui étaient mutées […] autour de 1000 mutations, donc beaucoup d’hétérogénéité à l’intérieur du même individu. »

Les cellules ayant résisté aux dommages du tabagisme étaient quatre fois plus nombreuses dans les poumons des anciens fumeurs que dans les poumons des fumeurs. Les mutations de ces cellules étaient similaires à celles qu’on s’attendait à trouver dans les cellules de gens n’ayant jamais fumé, ont dit les chercheurs.

Quinze mille paquets de cigarettes

La capacité de ces cellules à réparer les poumons a été constatée même chez des fumeurs qui avaient fumé un paquet par jour pendant quarante ans avant d’écraser pour de bon. Un chercheur britannique, le docteur Peter Campbell, a expliqué dans un communiqué que « certains des participants à notre étude avaient fumé plus de 15 000 paquets de cigarettes pendant leur vie, mais quelques années après avoir cessé les cellules de leurs voies respiratoires ne présentaient aucun signe de dommages dus au tabac ».

L’arrêt tabagique ne sert donc pas uniquement à prévenir des dommages encore plus importants aux poumons ; il semble aussi permettre à des cellules saines de commencer à régénérer la paroi des voies respiratoires. On ne sait toutefois pas si le même phénomène se produit plus profondément dans les poumons.

Il s’agit d’une découverte « importante », a ajouté M. Bossé, puisqu’on croyait jusqu’à présent que le cancer se développait de manière plus uniforme et qu’une partie des mutations subies par l’ADN était irréversible.

On sait depuis longtemps que le risque de développer des maladies respiratoires diminue chez les gens qui arrêtent de fumer. Ce risque ne revient toutefois jamais à zéro et ne sera jamais le même que celui d’un non-fumeur, a prévenu le chercheur.

« Les cellules qui vont prendre de l’expansion suivant l’arrêt tabagique, c’est encourageant pour un fumeur, c’est comme la récupération du poumon, par contre ça représente seulement une portion des cellules qui sont présentes, a dit M. Bossé. Il va rester encore beaucoup d’autres cellules qui sont mutées et puis qui pourraient mener au développement du cancer du poumon. »

Même après à 25 ans d’arrêt tabagique, on constate toujours des dommages dans les poumons, ce qui peut expliquer le risque résiduel de cancer du poumon chez les ex-fumeurs, a rappelé M. Bossé, qui a déjà réalisé des travaux sur le sujet.

La fumée de cigarette contient une soixantaine de substances cancérigènes qui endommagent directement l’ADN des cellules.