Les États-Unis ont confirmé mardi qu’un résidant de l’État de Washington avait contracté un nouveau virus d’origine chinoise, ce qui en fait le cinquième pays touché depuis son apparition, à la fin de décembre.

L’annonce est survenue à la veille d’une réunion d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui doit définir ce mercredi s’il y a lieu de parler d’une « urgence de santé publique de portée internationale ».

Les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains ont indiqué que l’homme d’une trentaine d’années avait récemment séjourné dans la région de Wuhan, une ville du centre de la Chine identifiée comme le foyer de la crise.

Il est revenu aux États-Unis avant la mise en place, vendredi, de procédures de filtrage dans les aéroports et s’est présenté de son propre chef dimanche aux autorités après l’apparition de symptômes compatibles avec le virus en question, un coronavirus rappelant celui qui avait déclenché l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2002-2003.

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L’hôpital d’Everett

L’individu a été placé en isolement dans un hôpital d’Everett, près de Seattle, et se portait plutôt bien hier.

Scott Lindquist, épidémiologiste de l’État de Washington, a déclaré que les autorités avaient obtenu lundi la confirmation qu’il portait le nouveau virus et avaient entrepris mardi de retrouver les personnes avec qui il a été en contact récemment pour les tester à leur tour et les isoler au besoin.

Les autorités américaines, qui avaient ciblé trois aéroports vendredi où arrivaient des vols directs en provenance de Wuhan, ont annoncé leur intention d’élargir les mesures de contrôle à deux autres aéroports et de faire en sorte que tous les voyageurs en provenance de la ville chinoise arrivent par l’un des établissements ciblés.

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L’annonce américaine est survenue peu de temps après que Taïwan a annoncé la détection d’un premier cas de maladie due au virus venu de Chine, qui peut provoquer de graves troubles respiratoires. Une femme d’une cinquantaine d’années qui arrivait de Wuhan a informé les autorités à l’aéroport à Taipei qu’elle présentait des symptômes préoccupants et a été hospitalisée. Le Japon, la Thaïlande et la Corée du Sud avaient déjà annoncé quelques cas au cours des derniers jours.

Plusieurs pays, dont la Russie et l’Inde, ont annoncé parallèlement mardi la mise en place de mesures de contrôle dans leurs propres aéroports. La Corée du Nord a décidé de bloquer temporairement l’entrée au pays de touristes étrangers.

Crise minimisée par Pékin ?

Les autorités chinoises continuent pendant ce temps de lutter contre la propagation du virus, qui touche officiellement plus de 400 personnes à l’échelle du pays. Neuf morts au total ont été recensées, ont annoncé mercredi (heure locale) les autorités sanitaires, alourdissant un précédent bilan de six morts et environ 300 cas.

Des spécialistes de l’Université de Hong Kong ont indiqué mardi que la crise était probablement plus importante que ne le laisse entendre Pékin, avançant une estimation de 1340 cas touchant une vingtaine de villes.

Le gouvernement chinois a prévenu mardi les dirigeants locaux de faire preuve de transparence relativement à la situation au lendemain d’un message du président Xi Jinping pressant les responsables de tout faire pour endiguer la crise.

Peter Cordingley, ancien porte-parole de l’OMS qui était en poste au moment de la crise du SRAS, a indiqué sur Facebook qu’il soupçonnait les dirigeants chinois de vouloir minimiser l’importance de la crise comme ils l’avaient fait à l’époque.

Le gouvernement a reconnu lundi pour la première fois que le virus pouvait se transmettre entre humains après avoir identifié sa source initiale comme étant un marché de fruits de mer et d’animaux exotiques.

Le Dr Charles Frenette, directeur médical chargé de la prévention des infections au Centre universitaire de santé de McGill (CUSM), indique qu’il était prévisible que le virus puisse se transmettre de cette façon.

Beaucoup d’inconnues demeurent, notamment quant à son effet, relève le chercheur, qui s’attend à ce que les autorités sanitaires ajustent le tir en matière de prévention à mesure que les connaissances à son sujet évolueront.

Le Canada se prépare

À Winnipeg, la ministre fédérale de la Santé, Patty Hadju, a indiqué mardi que l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, travaille avec l’OMS et d’autres pays pour suivre l’évolution du virus et évaluer les risques de propagation.

« Nous avons des mesures en vigueur en ce moment pour alerter les voyageurs des risques liés à ce virus. Nous examinons aussi d’autres mesures que nous pourrions prendre dans l’éventualité où nous constatons que le virus se propage ailleurs », a affirmé Mme Hadju en marge de la retraite du Cabinet fédéral qui a pris fin mardi.

Tous les voyageurs internationaux arrivant aux aéroports internationaux de Toronto, de Montréal et de Vancouver se verront poser une question de contrôle supplémentaire afin d’aider à identifier ceux qui pourraient avoir visité la ville chinoise de Wuhan, a révélé l’Agence des services frontaliers du Canada dans un courriel transmis à La Presse canadienne.

En ce moment, il n’y a aucun cas au Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires de sorte que nous puissions réagir rapidement si la situation change.

Patty Hadju, ministre fédérale de la Santé

Le réseau de la santé québécois se prépare déjà depuis des semaines à accueillir ses premiers patients atteints du coronavirus, a indiqué mardi le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique du Québec.

Il explique que contrairement à l’époque du SRAS, le gouvernement chinois a cette fois-ci été rapide à annoncer l’existence de ce nouveau virus et à en faire le séquençage génétique. Si bien que des tests de laboratoire permettant d’identifier tout nouveau cas sont déjà offerts.

Les individus se présentant avec des symptômes du virus qui reviennent d’un voyage en Chine, plus particulièrement de la région de Wuhan, seront isolés et mis en quarantaine, dit le Dr Arruda.

Le Dr Éric Litvak, médecin-conseil à la Direction régionale de santé publique de Montréal, explique que deux appels à la vigilance ont été acheminés aux établissements du réseau de la santé.

On y invite les travailleurs à cibler rapidement tout nouveau patient présentant des symptômes du coronavirus. Ceux qui seront soupçonnés d’être atteints seront isolés et signalés à la Santé publique qui fera enquête afin d’identifier toutes les personnes ayant été en contact et prévenir la transmission, explique le Dr Litvak.

Ce que l’on sait du coronavirus

Avec plus de 400 personnes touchées, dont un premier cas aux États-Unis, et au moins neuf décès, le nouveau coronavirus détecté en Chine a mis les autorités de santé publique en état d’alerte. Explications.

Quel est ce nouveau virus ?

Il porte le nom de nouveau coronavirus (2019-nCoV). Il fait partie de la famille des coronavirus, comme l’étaient le SRAS et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient.

Où ce virus est-il apparu ?

Directeur national de santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda explique que la situation du nouveau coronavirus est « nouvelle » et « va évoluer ». Mais selon les informations actuellement disponibles, il semble que le premier cas ait été transmis en décembre d’un animal à un humain dans un marché public de la ville de Wuhan, capitale de la province du Hubei, située au centre de la Chine. Au moins 440 personnes atteintes du coronavirus ont été détectés jusqu’à maintenant, principalement en Chine, mais aussi dans d’autres pays d’Asie. Les États-Unis ont confirmé leur premier cas mardi. La situation du nouveau coronavirus « évolue rapidement », mais plusieurs informations sont déjà connues, explique le Dr Éric Litvak, de la Direction régionale de santé publique de Montréal.

Quels sont les symptômes ?

Les personnes atteintes présentent de la fièvre, de la toux et des difficultés respiratoires. Certaines développent une pneumonie.

Y a-t-il des décès ?

On comptait neuf décès mercredi (heure de Pékin). Il semble pour l’instant que les personnes qui sont mortes présentaient un état de santé les fragilisant. « Mais l’information est trop préliminaire pour qu’on puisse statuer là-dessus », dit le Dr Litvak. « Il semble que le taux de mortalité soit plus faible que pour le SRAS. Mais il est encore tôt pour le dire », note le Dr Arruda.

Comment se transmet le coronavirus ?

« On est encore en train d’élucider les moyens de transmission », affirme le Dr Litvak. Selon lui, il semble toutefois que pour l’instant, la transmission de personne à personne soit faible. Le Dr Litvak explique que plusieurs professionnels de la santé ont soigné les patients infectés jusqu’à maintenant, mais que seulement une quinzaine ont contracté le virus. Mardi soir, un haut responsable chinois a toutefois averti que le virus « pourrait muter et se propager plus facilement ».

Pourquoi s’inquiète-t-on ?

Le Dr Arruda affirme qu’il n’est « pas dans un état de panique » et que le Québec n’a « jamais été aussi prêt à ce genre de phénomène », notamment grâce aux leçons tirées de l’éclosion de SRAS au début des années 2000. « Mais on est au début et on surveille entre autres les mutations. Il faut rester vigilant », dit le Dr Arruda.

« On s’inquiète de ce virus-là comme de toute nouvelle infection qui commence à circuler chez l’homme, entre autres parce qu’on ne sait pas encore quelle peut être sa gravité, à quel point il peut se transmettre […]. L’intérêt de la santé publique, c’est de le reconnaître et d’essayer d’arrêter et de bloquer la transmission le plus rapidement possible. On ne veut pas que le virus circule. Qu’il puisse muter. On est face à de l’incertitude », affirme le Dr Litvak. Ce dernier explique que pour l’instant, le nouveau coronavirus semble « un peu moins virulent que le SRAS ». Le danger des coronavirus se situe dans les symptômes potentiels qui peuvent rendre les gens plus malades et même causer des pneumonies, explique le Dr Litvak.