(Ottawa) Le représentant du gouvernement au Sénat admet qu’il est possible qu’un projet de loi visant à élargir l’accès à l’aide médicale à mourir puisse être invalidé comme étant inconstitutionnel par les tribunaux.

Mais bien que les parlementaires doivent être guidés par les décisions des tribunaux, le sénateur Marc Gold a fait valoir mardi qu’ils avaient également le devoir d’essayer de trouver un juste équilibre entre des droits et intérêts concurrents.

Dans le projet de loi C-7, a-t-il soutenu, le gouvernement a établi un « équilibre raisonnable et responsable » entre l’autonomie des Canadiens ayant des souffrances intolérables qui ne sont pas en fin de vie et la nécessité de protéger les personnes les plus vulnérables.

M. Gold, un ancien professeur de droit constitutionnel, a prononcé un long discours au Sénat consacré presque entièrement à la constitutionnalité du projet de loi. Il a souligné que certains sénateurs estiment que le projet de loi est inconstitutionnel parce qu’il est trop permissif, d’autres parce qu’il est trop restrictif.

« Je comprends très bien qu’il existe de très bons arguments des deux côtés de bon nombre de ces questions », a-t-il déclaré au Sénat.

M. Gold a dit croire que les contestations judiciaires de la validité constitutionnelle du projet de loi C-7 étaient « inéluctables ».

« Pour le meilleur et pour le pire, les tribunaux continueront d’être saisis de cette question, car les individus et les groupes cherchent à faire valoir leurs droits constitutionnels, quelle que soit la manière dont ils les conçoivent », a-t-il déclaré.

« Mais cela ne peut pas être une raison pour le gouvernement et le Parlement d’abdiquer leurs responsabilités de légiférer de bonne foi et dans l’intérêt supérieur des Canadiens. »

Le projet de loi C-7 vise à mettre la loi en conformité avec une décision de la Cour supérieure du Québec de septembre 2019, qui a invalidé la disposition autorisant l’aide médicale à mourir uniquement pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible.

Le projet de loi supprimerait l’exigence de mort imminente, mais conserverait le concept de créer deux voies d’admissibilité à l’aide médicale à mourir : des règles quelque peu assouplies pour les personnes proches de la mort et des règles plus strictes pour celles qui ne le sont pas.

Le projet de loi interdit spécifiquement l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant uniquement de maladies mentales, une exclusion que certains sénateurs considèrent comme une violation des droits à l’égalité. Certains pensent que les règles d’admissibilité plus strictes pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie sont également inconstitutionnelles.

M. Gold a déclaré qu’il était impossible de prédire comment les tribunaux pourraient statuer sur ces arguments.

« Comme tout étudiant de la charte (des droits et libertés) le sait, les arguments sur les droits — et en particulier les droits à l’égalité — sont intrinsèquement controversés et prédire comment un tribunal pourrait statuer est une affaire très risquée », a-t-il souligné.

M. Gold a exposé la justification du gouvernement pour exclure les personnes souffrant uniquement de maladie mentale, faisant valoir que la trajectoire de leur état est incertaine et que le désir de mourir peut être un symptôme de la maladie.

Il a soutenu que l’exclusion peut être justifiée en tant que limite raisonnable, comme le permet la Charte, parce qu’elle n’est « ni arbitraire, ni trop large, ni excessivement disproportionnée ».

Pourtant, il a admis que cela pourrait être invalidé comme une violation des droits à l’égalité ou du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, nonobstant l’avis du gouvernement.

« Le gouvernement est conscient qu’il existe de fortes opinions constitutionnelles à l’effet contraire et que les arguments contre cet aspect du C-7 valent d’être sérieusement examinés et débattus », a déclaré M. Gold.

Il a promis que les amendements pour améliorer le projet de loi seraient sérieusement envisagés par le gouvernement.

M. Gold a également reconnu les préoccupations de certains sénateurs selon lesquelles les personnes handicapées ne pourraient pas faire un véritable choix de mettre fin à leurs jours parce qu’elles n’ont pas un accès adéquat aux soins palliatifs ou aux services de soutien.

Mais s’il est important d’améliorer ces services, il a affirmé que cette question relevait de la compétence provinciale et ne pouvait pas être réglée par l’entremise du Code criminel.

Le projet de loi C-7 a été adopté jeudi dernier aux Communes.

Les sénateurs qui ont fait une étude préliminaire de C-7 pourraient donc y apporter des amendements, rendant son adoption avant le 18 décembre peu probable.

Un projet de loi amendé par le Sénat retournerait aux Communes pour un nouvel examen.