(Québec) Un groupe de médecins rejette le délestage mur à mur des activités hospitalières imposé par le gouvernement Legault.

Ils s’opposent ainsi à une directive du ministère de la Santé qui demande à tous les hôpitaux de reporter 50 % des rendez-vous et chirurgies jugés non urgents. C’est « insensé », plaident-ils, car l’état de santé de beaucoup de patients risque de se détériorer.

Selon le Regroupement québécois des médecins pour une décentralisation du système de santé (RQMDSS), il n’est pas nécessaire d’imposer cette directive partout sur le territoire et dans chaque hôpital.

Le porte-parole du regroupement, le docteur Vincent Bouchard-Dechêne, soutient qu’on annule ainsi des chirurgies qui n’auraient pas dû être reportées et que beaucoup de patients en souffriront.

Des impacts évitables

« Une chirurgie qui est annulée pour rien, c’est une de trop », a déploré le médecin, en entrevue avec La Presse canadienne jeudi en fin de journée.

« On annule des chirurgies qui n’auraient pas dû être annulées. Si on retarde des soins, si on ferme des lits, il y a des impacts sur les patients qui auraient pu probablement être évitables. À Sorel, à Gaspé, dans le Pontiac, est-ce aussi indispensable ? »

Il a indiqué qu’il avait reçu beaucoup de témoignages provenant de professionnels de la santé dans plusieurs régions au Québec. Cependant, la loi du silence règne encore dans le réseau et plusieurs craignent les représailles s’ils dénoncent la situation.

« On n’a pas non plus doublé le nombre d’hospitalisations du jour au lendemain, donc pourquoi ne pas laisser aux hôpitaux, aux gens de terrain, la marge de manœuvre pour s’adapter à la fois aux patients COVID et aux patients non-COVID ? »

De surcroît, chaque hôpital a sa vocation : chirurgies orthopédiques, chirurgies électives non urgentes, chirurgies urologiques, a-t-il plaidé.

« Il n’y a pas deux hôpitaux pareils, donc pourquoi on met un chiffre identique pour chaque hôpital ? »

Le médecin fait lui-même cette semaine de la clinique préopératoire, soit des évaluations de patients à opérer. Une personne âgée qui n’est pas opérée à temps à la hanche peut perdre son autonomie de façon irréversible, a-t-il illustré. Cela a « certainement un impact sur le pronostic » de certaines pathologies.

« Je vois des gens qui souffrent d’arthrose depuis des années, ce qui a un impact majeur sur leur qualité de vie. Si on a besoin d’annuler les activités dans ces salles, je comprends, mais si dans certains cas, ce n’est pas essentiel, pourquoi laisser ces patients souffrir ? »

Plutôt que d’imposer les mêmes règles partout, il aurait fallu demander la situation dans chaque milieu de soins, vérifier l’accès aux ressources, le nombre de cas, puis laisser les gestionnaires des hôpitaux estimer le pourcentage de délestage jugé essentiel pour le traitement des patients atteints de la COVID-19, estime le regroupement.

La liste d’attente pour les chirurgies a déjà explosé à une soixantaine de milliers de Québécois après les délestages de la première vague. Elle va donc encore s’allonger et hélas, des patients qui attendaient une chirurgie élective finiront par en avoir besoin de façon urgente en raison des retards, prédit le docteur Bouchard-Dechêne.

« C’est insensé de retirer l’accès aux soins à des patients qui ont des pathologies autres que le virus lui-même. »