(Ottawa) Des médecins ont déclaré jeudi qu’ils craignaient que les modifications proposées à la loi sur l’aide médicale à mourir au Canada ne soient pas suffisamment examinées.

Ces médecins, ainsi que des députés conservateurs, affirment que les libéraux ont discrètement imposé arbitrairement une limite au dépôt des demandes pour témoigner devant le comité qui étudie le projet de loi aux Communes, ce qui aurait conduit au rejet de plusieurs soumissions de médecins.

« En tant que médecin de famille et urgentiste, je connais l’importance de la consultation, ainsi que les expériences et les souffrances quotidiennes des Canadiens, qui ne peuvent être ignorées », a déclaré le docteur Adam Taylor, qui a participé jeudi, avec d’autres collègues et deux députés conservateurs, à une conférence de presse à Ottawa. « Je suis terriblement préoccupé par tout ça. »

Le comité de la justice des Communes a finalement adopté plus tard jeudi une motion qui autorise le dépôt des mémoires, mais le débat politique sur le projet de loi ne risque pas de s’éteindre. Les libéraux ont présenté le projet de loi C-7 pour la première fois en février dernier, juste avant la pandémie, en réponse à une décision de la Cour supérieure du Québec. La juge Christine Baudouin a alors conclu que l’article de la loi fédérale qui limitait la procédure aux seules personnes dont la « mort naturelle est raisonnablement prévisible » violait l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit que « chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ».

La pandémie de COVID-19 a interrompu la progression du projet de loi au Parlement, mais avant cela, le gouvernement avait tenu deux mois de consultations, dont 10 tables rondes à travers tout le pays. La décision des libéraux de proroger le Parlement, en août, a obligé le gouvernement à déposer à nouveau le projet de loi mort au feuilleton – ce qu’il a fait en octobre. Le nouveau projet de loi supprime le critère de « mort naturelle raisonnablement prévisible », invalidé par la Cour supérieure. Les critères seraient maintenant plus souples pour ceux qui sont proches de la mort, mais plus stricts pour ceux qui ne le sont pas.

Pour les personnes jugées « proches de la mort », le gouvernement propose de supprimer l’exigence selon laquelle une personne admise à l’aide médicale à mourir doit attendre 10 jours avant d’obtenir la procédure. On réduirait également le nombre de témoins nécessaires – qui passerait de deux à un. Le projet de loi prévoit également de supprimer l’exigence selon laquelle une personne doit être en mesure de donner son consentement une deuxième fois immédiatement avant de recevoir l’aide médicale à mourir.

Favoriser les soins palliatifs

Lors de leur conférence de presse, jeudi, plusieurs médecins ont soutenu que la suppression de la période d’attente de 10 jours et de la nécessité d’une deuxième approbation augmentait le risque que des personnes demandent et reçoivent une assistance médicale à mourir le même jour, alors que ce n’est peut-être pas ce qu’elles souhaitaient vraiment. « D’après mon expérience clinique, de nombreuses demandes d’aide médicale à mourir étaient en fait une demande de soins palliatifs de bonne qualité, et lorsqu’on lui prodiguait ces soins, le patient changeait d’idée », a plaidé la docteure Stephanie Kafie.

Le projet de loi est actuellement étudié par le Comité de la justice des Communes après avoir franchi l’étape de la deuxième lecture en Chambre, par 246 voix contre 78, à la fin d’octobre.

Les conservateurs soutiennent que le gouvernement aurait dû faire appel en Cour suprême du jugement de la Cour supérieure du Québec, plutôt que d’essayer de faire adopter rapidement une loi au Parlement pour respecter le délai imposé par le tribunal – qui a été prolongé deux fois, et qui est maintenant fixé au 18 décembre.

Mais de nombreux conservateurs ont des préoccupations plus larges concernant le projet de loi et le député Michael Cooper a déclaré jeudi qu’ils présenteraient des amendements. On propose notamment de prolonger la période d’attente pour ceux dont le décès n’est pas prévisible, au-delà des 90 jours prévus, au motif que le recours à des soins palliatifs peut parfois prendre plus de temps.

M. Cooper a déclaré jeudi que les conservateurs souhaitaient également le rétablissement du deuxième témoin et un amendement qui protégerait les professionnels de la santé qui, pour des raisons morales ou religieuses, refusent de participer à une mort assistée – ou même de référer les patients à un collègue.

En mai 2019, la Cour d’appel de l’Ontario, dans une décision unanime, a statué que les médecins qui ont des objections morales à fournir des services de santé comme l’avortement ou l’aide médicale à mourir devaient faciliter la référence du cas à un collègue. La loi fédérale sur l’aide médicale à mourir prévoit déjà explicitement que les médecins ne peuvent être obligés de pratiquer cette procédure.