Qu’ils travaillent en CHSLD, en ressource intermédiaire, en résidence privée ou en soins à domicile, les préposés aux bénéficiaires québécois accomplissent un travail qui se compare, par sa complexité, conclut une nouvelle analyse d’un chercheur de l’Université Laval. Pourtant, la formation exigée et la rémunération varient grandement d’un endroit à l’autre.

Peu importe leur lieu de pratique, les préposés aux bénéficiaires « jouent un rôle primordial dans le réseau » et remplissent des tâches de lourdeurs comparables, constate Philippe Voyer, professeur et chercheur à la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval.

À la demande de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec (ARIHQ), M. Voyer a analysé l’ensemble des fonctions remplies par les préposés aux bénéficiaires (PAB) travaillant dans les CHSLD, les ressources intermédiaires, les soins à domicile et les résidences privées pour aînés du Québec. Si l’ARIHQ a commandé l’étude, M. Voyer assure avoir été totalement libre dans son analyse. Il a d’ailleurs décidé lui-même de ne pas seulement étudier le rôle des PAB dans les ressources intermédiaires, mais bien dans l’ensemble des milieux.

Pour son étude, M. Voyer a interrogé divers intervenants, dont des préposés aux bénéficiaires. Il constate qu’en CHSLD, ceux-ci prodiguent de 80 % à 90 % des soins aux patients. Un apport immense, d’autant que les cas y sont très complexes. En ressource intermédiaire et en résidence privée pour aînés, les préposés sont souvent seuls. Ils doivent donner les médicaments.

Il y a un poids. Une charge mentale énorme […]. Partout, les préposés doivent gérer des situations complexes au quotidien.

Philippe Voyer, professeur et chercheur à la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval

À la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), on souligne que le travail des PAB en CHSLD est « très lourd », comme l’a cruellement démontré la pandémie, et qu’il est important de «prendre en compte la lourdeur des tâches ».

Mais M. Voyer cite l’exemple d’une préposée de ressource intermédiaire travaillant seule avec huit résidants atteints de troubles mentaux sévères. « Les défis sont différents, mais grands partout », dit-il. Le chercheur souligne aussi avoir constaté que « les milieux ne sont plus étanches », et qu’on retrouve maintenant des clientèles très complexes même hors des CHSLD.

Des différences dans la formation et la rémunération

Durant la pandémie, le gouvernement a versé une prime horaire de 4 $ aux préposés aux bénéficiaires travaillant dans certains secteurs du réseau de la santé, dont les CHSLD. Ceux travaillant dans les ressources intermédiaires ont aussi obtenu cette prime.

Malgré tout, les ressources intermédiaires peinent à recruter des préposés, affirme la directrice générale de l’ARIHQ, Johanne Pratte. Car en ressource intermédiaire, le salaire d’un préposé aux bénéficiaires oscille entre 14 $ et 18 $ l’heure, primes incluses, alors qu’en CHSLD, on parle de 26 $ l’heure, dit-elle. « Dans ce contexte, c’est extrêmement difficile pour nous de recruter. On a beaucoup de candidats qui sont partis en CHSLD », plaide Mme Pratte.

Elle dénonce aussi les différences dans les exigences de formation. Alors que les CHSLD demandent souvent un diplôme de formation aux PAB, les ressources intermédiaires ne peuvent se permettre ce luxe, dit-elle. L’étude de M. Voyer a constaté ces différences et conclut qu’il est « difficile de justifier que les exigences de formation varient selon les milieux ».

Le Québec compte 5000 ressources intermédiaires qui accueillent des clientèles âgées, mais aussi des personnes souffrant de déficience ou de troubles mentaux. Le financement de ces ressources est entièrement public. Des négociations sont en cours entre Québec et l’ARIHQ pour le renouvellement de leur entente, échue depuis mars. Et l’ARIHQ espère faire reconnaître l’iniquité de traitement dont elle juge que sont victimes les préposés travaillant en ressource intermédiaire. « À partir du moment où tu reconnais la valeur du travail des préposés aux bénéficiaires, le lieu où ils travaillent ne devrait pas importer », plaide Mme Pratte.