(Québec) Un cadre du réseau de la santé ne pourra plus détenir une participation dans des agences de placement de personnel, une pratique révélée par La Presse mercredi.

En conférence de presse mercredi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a annoncé que cette pratique « inacceptable » sera interdite. Il a demandé à sa sous-ministre Dominique Savoie de s'assurer que ce ne soit plus permis pour un cadre, peu importe le niveau dans la hiérarchie, d'avoir des intérêts dans une agence de placement. Il a expliqué que les règles concernant les conflits d'intérêts empêchent formellement cette pratique pour les cadres supérieurs, mais que des établissements de santé interprétaient que les cadres intermédiaires n'étaient pas visés. Les règles seront plus claires concernant les conflits d'intérêts, a indiqué Christian Dubé.

Sa sortie fait suite à une motion adoptée par l'Assemblée nationale demandant au gouvernement d’interdire « minimalement » aux gestionnaires du réseau public de la santé de détenir une participation dans des agences de placement de personnel.

Québec solidaire a été choqué par les informations dévoilées mercredi matin et a déposé une motion à l’Assemblée nationale pour mettre un terme à cette pratique. Cette motion a été adoptée à l'unanimité.

On y réclame même que l'Assemblée nationale reconnaisse « que les agences de placement de personnel constituent, dans l'immédiat, une distorsion du marché du travail, et qu’à terme, le réseau de la santé devrait s'en affranchir ».

La motion se lit comme suit :

• Que l’Assemblée nationale prenne acte des informations publiées ce matin dans les médias, selon lesquelles des gestionnaires du réseau de la santé auraient été propriétaires d’une agence de placement de personnel dans le réseau de la santé

• Qu’elle reconnaisse que l’existence des agences de placement a contribué au déplacement massif de personnel d’un établissement à l’autre lors de la première vague de COVID-19, et que ce phénomène est déjà reconnu comme l’un des facteurs ayant contribué à la propagation du virus;

• Qu’elle reconnaisse que les agences de placement de personnel constituent, dans l'immédiat, une distorsion du marché du travail, et qu’à terme, le réseau de la santé et des services sociaux devrait s’en affranchir;

• Que l’Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec d’interdire dans les meilleurs délais à tout gestionnaire du réseau de la santé d’opérer ou d’être propriétaire d’une agence de placement de personnel fournissant des services dans ce réseau.

« Un premier pas », estime Zanetti

La motion est «un premier pas vers l’abolition complète de ces agences de placement », a fait valoir le porte-parole en matière, Sol Zanetti, devant les journalistes mercredi. « On va demander au gouvernement au moins d’interdire minimalement que des gens qui travaillent dans la santé de posséder ou d’être propriétaires, ou d’avoir des parts dans des agences de placement », a-t-il ajouté.

« Il me semble que c’est la grosse base », a lancé M. Zanetti.

Selon Québec solidaire, si le gouvernement Legault ne donnait pas son appui à la motion, il se « fait complice de sa propre incapacité à livrer la marchandise » dans le contexte de la pandémie de la COVID-19.

La Presse publiait mercredi une enquête révélant que des cadres du réseau de la santé ont fondé une agence de placement de personnel qui jouit d’importants contrats publics et que d’autres employés du secteur public ont des participations dans ce genre d’agence. Ils se défendent d’être en situation de conflit d’intérêts.

« C’est une chose qui est vraiment scandaleuse, […] cette espèce de conflit d’intérêts », a dénoncé M. Zanetti. « C’est une autre preuve que laisser le privé en santé, ça pave la voie aux escrocs. On est en train de miner nous-mêmes, avec ce système hybride où le privé prend de la place, nos capacités à lutter contre la pandémie ».

Pour la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, la situation « à sa face même est un conflit d’intérêts ». La cheffe de l’opposition officielle estime que le ministre de la Santé, Christian Dubé, « devrait intervenir pour clarifier les règles en matière de déontologie et d’éthique » en lien avec cette pratique.

« On n’a qu’à prendre connaissance du dossier pour voir qu’il y a un enjeu réel. [M. Dubé] devrait intervenir là-dessus », a-t-elle ajouté.

M. Zanetti a aussi fait allusion aux pratiques décriées de certaines agences de placement qui ont contribué à la propagation du virus lors de la première vague avec le déplacement de personnel d’un établissement à l’autre. « On voit qu’en ce moment, le problème n’est pas réglé et qu’on est encore en train de souffrir du déplacement de personnel et de la pénurie de personnel à cause de ces agences-là [qui recrutent] à même les services publics », a énuméré le député de Jean-Lesage.