La délocalisation prochaine de plusieurs services spécialisés à l’Hôpital du Suroît, à Salaberry-de-Valleyfield, fait craindre le pire à des citoyens, des patients et des professionnelles en Montérégie, alors qu’un nouveau centre hospitalier plus moderne doit ouvrir ses portes à Vaudreuil-Dorion dans quelques années.

Unité de naissance du centre mère-enfant, néonatalogie et gynécologie, pédiatrie, échographie transœsophagienne, médecine nucléaire, mammographie CRID, audiologie, ophtalmologie et opération de l’œil ; la liste des services qui pourraient être transférés à Vaudreuil d’ici 2026 est longue.

Résidante d’Hinchinbrooke, Jennifer Daigneault déplore que ces transferts auront des conséquences importantes. « Depuis que j’ai appris qu’on déménageait tout ça à Vaudreuil, j’ai encore plus de doutes à avoir d’autres enfants. Ça prend des services de proximité », affirme la mère de famille.

Selon elle, la situation compliquera encore davantage les choses pour les femmes enceintes. « Elles sont déjà tellement inquiètes, tellement stressées, et on les met encore plus à risque. Moi, à Valleyfield, je suis arrivée très juste. Un peu plus et j’aurais accouché sur le bord de la route », illustre Mme Daigneault.

Des craintes multiples

Marine Navet réside à Saint-Antoine-Abbé. Elle a accouché de son premier enfant à l’Hôpital du Suroît, en octobre 2019. « On essaie d’avoir un autre enfant. Pour moi, Valleyfield est à 20 minutes, mais Vaudreuil, c’est presque 50 minutes. Si le pont Larocque est levé, ça peut prendre jusqu’à une heure et demie. Quand on a des contractions, le temps, on le compte », illustre-t-elle, se disant « très préoccupée » par ces délocalisations, d’autant plus que son conjoint est souvent appelé à travailler à l’extérieur.

Si je devais accoucher seule, je serais plus rassurée d’être dans un lieu que je connais, plutôt que dans un nouvel environnement, avec le stress que ça ajoute.

Marine Navet, résidante de Saint-Antoine-Abbé

À Valleyfield, Audrey Léger affirme que ces délocalisations précariseront davantage les plus vulnérables, dont ceux qui n’ont pas accès à une voiture. « Quand je pense aux familles plus démunies, je me demande comment ils vont se rendre à Vaudreuil rapidement », indique-t-elle, se demandant si la santé des mères et des enfants sera « mise en danger ». « Pourquoi changer une formule gagnante ? Pourquoi ne pas mettre l’argent dans le centre existant, en y apportant des améliorations ? », dit Mme Léger.

PHOTO FOURNIE PAR AUDREY LÉGER

Audrey Léger et son fils, Édouard Thiffault, peu après l’accouchement.

« On vide un hôpital pour remplir l’autre »

La présidente du Syndicat des professionnelles en soins de la Montérégie-Ouest (SPSMO), Mélanie Gignac, affirme que la situation est aussi « très inquiétante » pour le personnel de l’Hôpital du Suroît, où le manque d’effectifs met déjà en cause la qualité des services rendus.

« Je ne sais même pas comment ils vont faire pour remplir l’autre hôpital. Présentement, on a des démissions en grande quantité vu la pression importante mise sur le personnel. Les filles se fatiguent, s’écœurent, tombent en congé maladie ou partent », résume-t-elle.

La réalité, c’est qu’on s’apprête à vider un hôpital pour en remplir un autre.

Mélanie Gignac, présidente du SPSMO

Ex-employé du réseau de la santé, Dominique Gagnon, lui, siège au comité citoyen de mobilisation créé il y a quelques mois. « D’une façon insidieuse, on est en train de modifier la fonction de l’Hôpital du Suroît. C’est très malheureux, surtout qu’il n’y a même pas eu de consultations, lâche-t-il. Personne n’est contre l’arrivée du nouveau centre à Vaudreuil, mais on ne peut pas déshabiller Pauline pour habiller Pierrette. »

Le CISSS tente de limiter les dégâts

Le CISSS de la Montérégie-Ouest dit bien comprendre les préoccupations de la population et travaille déjà à l’implantation de mesures d’atténuation. « On est convaincus qu’il sera possible de maintenir une offre adaptée pour la population », indique une porte-parole de l’organisation, Jade St-Jean.

L’objectif serait plutôt de « bonifier » l’offre sur le territoire. « À Vaudreuil, on aura 25 lits de naissance et on pourra faire de la néonatalogie, chose qu’on ne peut pas faire actuellement. On est obligés de renvoyer les mamans à Sainte-Justine. C’est la même chose avec la pédiatrie », ajoute la relationniste.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, malheureusement, on n’a pas la capacité de maintenir deux infrastructures.

Jade St-Jean, du CISSS de la Montérégie-Ouest

À terme, le CISSS veut faire du nouveau centre de Vaudreuil un « pôle de santé, avec des équipements à la fine pointe ». « On veut s’assurer que le volet prénatal et postnatal reste local », illustre Mme St-Jean.