(Montréal) En négociation depuis des mois avec Québec pour le renouvellement de sa convention collective, la FIQ lance une campagne publicitaire qui risque de faire grincer des dents le gouvernement Legault, avec son slogan « les soins de santé sont à l’agonie ; nous sommes la solution ».

En entrevue avec La Presse Canadienne, Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé, s’est dite consciente du poids de son slogan, encore plus dans le contexte de la pandémie de coronavirus.

« Ce n’est pas un slogan ; c’est la réalité », a soutenu la présidente de l’organisation qui représente 76 000 infirmières, infirmières auxiliaires et autres professionnelles en soins. « Il faut arrêter de dire que tout va « pas si pire ». »

Son slogan risque d’irriter le premier ministre, qui a déjà lancé quelques flèches à l’endroit de la FIQ, notamment lorsque des membres ont tenu des manifestations durant la pandémie.

« Je voudrais bien ne pas irriter M. Legault, mais quand tu n’as que la moitié des infirmières, infirmières auxiliaires que tu es censé avoir… Quand tu leurs demandes de faire 16 heures en ligne, trois jours en ligne… C’est ça la réalité. Je n’ai plus de mots pour dire à quel point le système de santé est fragilisé », a lancé Mme Bédard.

Loin de s’améliorer, le phénomène d’épuisement des infirmières s’est aggravé avec les arrêtés ministériels qui ont permis de limiter les vacances, cet été, et d’imposer des transferts de personnel, argue-t-elle.

« C’est pire que pire avec les arrêtés ministériels. Les professionnelles en soins sont découragées, démissionnent ; partent en invalidité ; elles n’ont plus de jus », rapporte la dirigeante syndicale.

Le gouvernement Legault a tout de même admis que le manque de personnel dans les CHSLD avait été un des éléments clés de la crise qui y a sévi. Et il a adopté des mesures exceptionnelles pour former des milliers de préposés aux bénéficiaires et avec une rapidité inégalée.

De plus, le gouvernement a demandé aux centres de limiter les mouvements de personnel, au plus fort de la crise. Il a aussi octroyé des primes aux travailleurs confrontés au risque du coronavirus — dont les infirmières. Et il a aussi rendu accessibles plus d’équipements de protection pour le personnel.

Interrogée à ce sujet, Mme Bédard admet que l’ajout de préposés aux bénéficiaires, « ça vient soutenir l’équipe de soins en CHSLD ». Mais cela ne suffira pas, assure-t-elle. Elle cite le cas de l’unité des soins intensifs à l’Hôpital de Gatineau, qui a dû suspendre ses activités, la fin de semaine dernière, faute d’infirmières.

Mme Bédard croit que la solution passe par une amélioration des conditions d’exercice et de salaire des infirmières, infirmières auxiliaires et autres professionnelles en soins ; des ratios infirmière-patients sécuritaires ; des équipes de travail complètes et stables et un salaire qui correspond à la reconnaissance de leur importance dans le système de santé.

Cette campagne publicitaire se fera sous forme d’affichage, par exemple dans les abribus ou avec des panneaux routiers. Le thème : « les soins de santé sont à l’agonie. Nous sommes la solution. »

Plus de pression cet automne

Pour accroître la pression, dans le cadre de sa négociation avec Québec, la FIQ envisage certains moyens d’action à l’automne, mais il s’agit de « visibilité », de port de chandail, de manifestations.

Mais Mme Bédard prévient : « si les infirmières s’en tenaient à leur horaire de travail, au contrat qu’elles ont signé avec leur employeur, à leur poste, si elles ne faisaient que donner ce qu’elles ont convenu de donner dans leur contrat avec leur employeur, la moitié du Québec fermerait dans les établissements de santé. »