(Vancouver) Le Canada a besoin d’adopter une nouvelle approche pour s’attaquer à sa crise des opioïdes, affirme l’autrice principale d’une nouvelle étude qui souligne une prévalence de surdoses impliquant du fentanyl et des stimulants non prescrits en Colombie-Britannique.

Plus de 15 000 décès seraient liés aux opioïdes au Canada depuis 2016 et la Colombie-Britannique a enregistré plus de 5000 décès dus à des surdoses de drogues illicites depuis qu’elle a décrété une urgence de santé publique en 2016.

L’étude, publiée lundi dans le Journal de l’Association médicale canadienne, a porté sur 1789 décès par surdose en Colombie-Britannique entre 2015 et 2017 dans lesquels un coroner a pu confirmer les substances qui ont joué un rôle.

Selon l’étude, en dépit de la diminution de la prescription d’opioïdes dans la province, le taux de mortalité par surdose de drogues illégales a continué d’augmenter.

La Dre Alexis Crabtree, autrice principale de l’étude et médecin résident en santé publique et médecine préventive à l’Université de la Colombie-Britannique, affirme qu’elle met en évidence ce qui ne fonctionne pas dans la façon de s’attaquer à la crise des opioïdes.

« Ce que nous avons constaté, c’est que cette crise des opioïdes n’est pas motivée par des médicaments prescrits et les initiatives de déprescriptions ne résoudront pas à elles seules la crise des opioïdes », a-t-elle déclaré dans une entrevue.

Dans la plupart des cas où les opioïdes prescrits étaient impliqués dans un décès, le rapport toxicologique a également indiqué la présence d’opioïdes non prescrits dans le système de la victime, a ajouté Mme Crabtree.

Les résultats de l’étude soulignent également le rôle décroissant des opioïdes prescrits et de l’héroïne dans la crise et la croissance des opioïdes synthétiques et des stimulants.

Les stratégies actuelles de lutte contre la crise des opioïdes « doivent faire beaucoup plus » que de viser de cesser de prescrire des opioïdes, conclut l’étude.

Les hommes continuent de dominer le nombre de décès par surdose, représentant plus de 80 % des décès, les personnes âgées de 31 à 49 ans constituant le nombre prédominant de décès.

Un aspect souvent négligé est l’efficacité de la méthadone et de la buprénorphine, des opioïdes utilisés pour traiter la dépendance aux opioïdes, a déclaré Mme Crabtree.

L’étude a démontré que peu de surdoses impliquaient des personnes avec ces opioïdes dans leur système, ce qui, selon Mme Crabtree, devrait permettre aux médecins de se sentir plus à l’aise de les prescrire aux consommateurs de drogues.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a élargi l’accès à un approvisionnement sûr en médicaments d’ordonnance au début de la pandémie de COVID-19 en raison des préoccupations concernant le nombre de décès par surdose attribuables à des consommateurs de drogues isolés.

Ce programme, et les préoccupations subséquentes soulevées au sujet de la prescription de drogues de remplacement illicites, ont conduit à la décision de publier l’étude dans le « Journal de l’Association médicale canadienne », a indiqué Mme Crabtree.

« Une question ou une préoccupation des médecins est : “Le médicament que je prescris contribue-t-il aux surdoses ?”, a-t-elle expliqué. Je peux comprendre pourquoi les gens ont cette inquiétude. Je pense que ces résultats sont vraiment rassurants sur le fait que les médicaments prescrits ne sont pas un facteur de risque de surdose et aident les médecins à prescrire en vertu de ces lignes directrices d’atténuation des risques. »

Elle a dit être en accord avec les recommandations de la Dre Bonnie Henry, administratrice provinciale de la santé, qui a appelé à la décriminalisation des personnes qui possèdent de petites quantités de drogues dans un rapport publié en 2019.

À l’époque, la Dre Henry écrivait que la province « ne peut pas attendre une action au niveau fédéral ».

Elle a réitéré ces recommandations en juin 2020, mois durant lequel 175 décès seraient attribuables à une surdose.

« La COVID-19 a clairement indiqué que le gouvernement pouvait agir de manière très rapide et efficace lorsqu’il accordait la priorité à répondre à une urgence de santé publique, a déclaré Mme Crabtree. J’adorerais voir cette même efficacité mise en œuvre pour répondre à l’urgence des surdoses et à protéger la santé des personnes qui consomment des drogues. »

Un meilleur accès à des sites destinés à la prévention des surdoses et de consommation supervisée devrait être l’une des prochaines étapes à réaliser en Colombie-Britannique et dans tout le pays, a-t-elle ajouté.