(Montréal) Alors que la COVID-19 a déclenché une réflexion sur les résidences de soins de longue durée et révélé certains de leurs risques, une nouvelle analyse de l’ICIS indique qu’une personne sur neuf admise dans un tel centre d’hébergement en 2018-2019 aurait plutôt pu rester à domicile en y recevant des soins.

Un nombre élevé de décès et d’éclosions attribuables à la COVID-19 a été observé dans les établissements de soins de longue durée, notamment dans les CHSLD au Québec.

Cette triste réalité a souligné la nécessité de les réserver aux personnes qui en ont le plus besoin, notamment à celles ayant de graves problèmes médicaux, peut-on lire dans le rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).

« On sait qu’une partie de la solution, c’est d’améliorer les soins de longue durée, et aussi, avec le vieillissement de la population, ça relève de la pertinence d’avoir de meilleurs soins à domicile », a commenté en entrevue une porte-parole de l’ICIS, Christina Lawand, lorsque questionnée sur l’impact de la COVID-19.

Un constat est clair selon l’ICIS : la plupart des personnes âgées au Canada désirent rester chez elles aussi longtemps que possible.

Mais elles rencontrent divers obstacles, dont le manque de services leur permettant de faire ce choix, note l’Institut.

Ainsi, certaines personnes n’ayant que des limitations physiques ou des problèmes de santé légers à modérés sont admises en centres de soins de longue durée.

Pour réaliser cette analyse, l’ICIS a comparé les personnes nouvellement admises dans des centres d’hébergement de soins de longue durée à celles qui ont plutôt reçu des soins à domicile — les deux groupes ayant un état de santé similaire.

Résultat ? En 2018-2019, environ un résident sur neuf admis en soins de longue durée aurait pu potentiellement rester à la maison avec un soutien et des soins appropriés.

Cela représente plus de 5000 places en soins de longue durée dans les provinces et les territoires qui ont déclaré de telles statistiques, a calculé l’ICIS. Il s’agit ici de Terre-Neuve, de l’Ontario, de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et du Yukon. Le Manitoba et la Saskatchewan ont remis des données partielles.

Bref, puisqu’il manque des provinces, ce chiffre de 5000 est bien en deçà du total réel au Canada.

Ces lits auraient pu être réservés aux patients qui ont des besoins de santé complexes et qui exigent des soins continus, souligne l’ICIS.

« C’est extrêmement important pour l’efficacité du système de santé, parce qu’on sait que c’est très coûteux les soins de longue durée (en résidence), mais aussi pour respecter ce que les personnes âgées désirent, c’est-à-dire rester chez elles en toute sécurité, aussi longtemps que possible », a déclaré Mme Lawand.

Les résidents admis en soins de longue durée et les membres de leur famille ont décrit les divers obstacles au maintien à domicile : le manque d’argent pour payer les services, les listes d’attente, la difficulté à trouver et obtenir les services requis, qui sont offerts par divers organismes.

L’ICIS a aussi noté que les personnes vivant en région rurale étaient 50 % plus susceptibles que les habitants des villes d’être admises en résidence de soins de longue durée. Aussi, les personnes vivant seules étaient deux fois plus susceptibles d’être placées en soins de longue durée que celles qui habitent avec des proches. « Cela reflète l’importance des aidants naturels », a commenté Mme Lawand, soulignant que ce sont souvent eux qui font les démarches pour trouver les services.

Elle ajoute que le Canada accuse un certain retard dans l’élaboration de son système de soins à domicile, notamment par rapport à des pays d’Europe.

Mais le maintien à domicile des aînés est complexe, souligne-t-elle. Il ne s’agit pas que de soins médicaux, mais d’une foule d’autres choses, comme l’aide aux repas et au ménage.

Sur le terrain

Le Dr Stéphane Lemire en convient : le maintien à domicile, « c’est complexe ».

Le médecin interniste et gériatre est le président et fondateur de la Fondation AGES, un organisme de bienfaisance québécois qui prône la gériatrie sociale et vise à préserver l’autonomie des personnes âgées.

Au-delà des visites des médecins et des infirmières à domicile, le maintien chez soi, c’est aussi s’assurer que les aînés aient une alimentation de qualité, et adapter physiquement la maison à leurs besoins, explique-t-il. C’est souvent là que les aînés baissent les bras, parce qu’ils ne sont plus capables d’entretenir leur résidence.

Et puis, si les listes d’attente pour des services sont trop longues, l’option de rester à la maison n’est soudainement plus viable, ajoute-t-il.

« Les soins à domicile, c’est un peu le parent pauvre du système de santé », a-t-il décrit. La qualité des soins est bonne, mais l’accès demeure difficile.

« Il faut faire ce virage » et investir, car l’accès aux services pour les aînés passe par un financement approprié, dit-il.

Le système de santé a toute son importance, dit-il, mais il croit aux services aux aînés livrés directement dans la communauté. Malheureusement, bon nombre des organismes communautaires sont sous-financés, constate le médecin.

D’ici 2030, on va avoir deux fois plus d’aînés au Québec, souligne-t-il. « La demande pour des services est élevée et elle va augmenter. »

« Et ce n’est pas vrai qu’en faisant ce qu’on fait maintenant, on pourra suivre la parade. »

Il souligne toutefois que le gouvernement du Québec avait décidé d’investir dans les soins à domicile, tout juste avant la pandémie. Sa fondation reçoit aussi du financement, notamment pour un projet de « sentinelles », soit des travailleurs formés à repérer des situations problématiques chez les aînés demeurant à domicile.