Les soins à domicile pour les aînés et les personnes vulnérables sont de plus en plus offerts par des préposés aux bénéficiaires d’entreprises privées au Québec, révèle une étude provenant de l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Une décision qui peut avoir un impact sur la qualité des services, selon l’auteure de l’étude, la professeure en relations industrielles Louise Boivin.

Entre 2014 et 2019, le nombre d’heures de services d’aide à domicile offert aux personnes âgées, aux personnes ayant un handicap physique, une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme a augmenté de 59,7 % au Québec.

Alors que le nombre d’heures de services à domicile fourni par les employés du secteur public a augmenté de 4,3 % entre 2014 et 2019, les heures offertes par des fournisseurs privés, comme des agences de placement de personnel et des entreprises d’économie sociale, a explosé de 168 %, peut-on lire dans l’étude intitulée « La place des secteurs public et privé dans la prestation des services d’aide à domicile au Québec depuis la réforme Barrette de 2015 », et financée en partie par la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN).

Hausse de 1380 %

Au Québec, 342 000 personnes ont eu recours aux services de soutien à domicile en 2017-2018. Ces personnes ont reçu différents services comme des soins d’hygiène, de l’aide à l’alimentation, de l’aide pour être transférées de leur lit à un fauteuil roulant ou de l’aide pour faire leurs courses, par exemple.

La quasi-totalité des régions du Québec a vu la part du privé augmenter. En Montérégie-Ouest, le nombre d’heures de services de soins à domicile offert par le secteur privé a crû de 1380 % entre 2014 et 2019, selon l’analyse de Mme Boivin.

Au CISSS de la Montérégie-Ouest, la porte-parole Jade St-Jean explique que le nombre d’heures de soutien à domicile a été doublé en deux ans sur le territoire. Et l’intensité des services offerts aux 15 000 bénéficiaires a été augmentée.

Mme St-Jean assure que le CISSS tente le plus possible d’offrir les services avec des employés du secteur public. Mais « puisque le rehaussement massif s’est fait sur une très courte période et que nous vivons depuis quelques années une rareté de personnel importante, nous n’avions pas les ressources à l’interne pour maintenir cette intensité de services », explique-t-elle.

Des embauches sont en cours.

Impact sur les patients

Selon Mme Boivin, confier de plus en plus fréquemment ces services à des fournisseurs privés n’est pas sans conséquence sur « la qualité des emplois, la qualité des soins et l’accès aux soins ». 

Mme Boivin souligne que même si sa recherche ne s’est pas penchée sur la question, différentes études ont démontré que le taux de roulement de personnel est plus grand au privé que dans le secteur public, ce qui peut avoir des répercussions sur la qualité des soins.

Les conditions de travail sont aussi moins intéressantes et les employés sont en moyenne moins formés. Ce qui fait dire à Mme Boivin que le privé est une « concurrence au rabais pour le secteur public ».

Des partenaires importants

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), la porte-parole Marie-Claude Lacasse explique que différents types de services de soutien à domicile existent. Les services professionnels, comme les soins médicaux et infirmiers, sont « généralement offerts par le personnel des établissements publics ».

La réalité est toutefois différente pour les services d’aide à domicile et les services d’assistance personnelle, où 85,8 % des 15 millions d’heures fournies en 2018-2019 l’ont été par des « partenaires externes ».

Le MSSS affirme que ces partenaires « sont essentiels pour permettre une réponse aux besoins de la population ». Mme Lacasse souligne que les CLSC ont la responsabilité de gérer les soins à domicile offerts sur leur territoire. Ce sont aussi les CLSC qui assurent la qualité des services offerts, et ce, peu importe qui les fournit.