Un organisme déplore que le gouvernement québécois ne dévoile pas directement aux femmes une information importante pour leur santé : ont-elles les seins denses ou pas ? Privées de cette information, les Québécoises ne peuvent prendre des mesures pour détecter le cancer du sein à temps, estime-t-il.

La densité mammaire — qui n’a rien à voir avec la taille des seins — augmente le risque de développer un cancer du sein et rend le dépistage des tumeurs cancéreuses plus difficile, explique le groupe « Seins Denses Canada ».

Pourquoi ? Parce que lorsqu’un radiologiste regarde le résultat de la mammographie, les tumeurs apparaissent en blanc, tout comme les tissus mammaires denses. Bref, comme une boule de neige dans une tempête de neige…

Avoir les seins denses est normal et courant. Cela signifie qu’ils possèdent plus de tissu glandulaire et fibreux que de tissu graisseux. La densité mammaire ne peut être observée qu’à la mammographie — et non pas au toucher.

La demande du groupe est la suivante : puisqu’une lettre est déjà envoyée par la poste à toutes les femmes pour leur faire part du résultat de leur mammographie — qu’il soit normal ou anormal — l’organisme veut simplement qu’une ligne soit ajoutée pour indiquer aux femmes si leurs seins sont denses ou non.

Cette lettre est transmise par le Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS), géré par le ministère de la Santé du Québec.

« Ce qu’on demande ne coûtera pas un sou de plus au gouvernement », a lancé Jennie Dale, cofondatrice et directrice exécutive de l’organisme sans but lucratif Seins Denses Canada.

Mais le ministère de la Santé n’a pas l’intention d’ajouter cette information dans la lettre.

Il explique que les résultats de la mammographie sont systématiquement transmis au médecin de la femme, incluant une note qui l’informe de sa densité mammaire : A, B, C ou D, cette dernière cote représentant la densité la plus élevée.

Le ministère juge préférable que la femme reçoive cette information de son médecin de famille qui pourra alors décrire de quoi il s’agit, les risques pour le cancer du sein ainsi que les façons de réduire ces risques, a indiqué dans un courriel un porte-parole du ministère, Robert Maranda. Et puis, même pour les femmes à densité mammaire élevée, aucun examen supplémentaire n’est recommandé, souligne-t-il.

Mais cette façon de faire n’est pas la bonne, juge Mme Dale, qui signale que trois millions de Canadiennes de plus de 40 ans ont les seins denses.

D’abord, certaines n’ont pas de médecin de famille.

En ce qui a trait aux autres, le médecin qui reçoit le résultat de mammographie considéré comme « normal » ne va pas forcément contacter sa patiente. Il n’y aura donc pas de discussion sur la densité mammaire.

« L’information reste au dossier, sans plus », dit Jennie Dale, « et ne se rend pas aux femmes ».

Alors qu’elle a le potentiel de sauver des vies, ajoute-t-elle.

Plusieurs femmes qui militent pour l’organisme ont vu leur diagnostic de cancer retardé parce qu’elles avaient des seins denses, avec de graves conséquences sur leur santé. L’une d’entre elles, Annie Slight, s’est fait dire de ne pas s’inquiéter malgré une masse au sein, car sa dernière mammographie avait été « normale ». Elle n’avait jamais été informée par son médecin qu’elle avait les seins denses, même si la mention apparaissait sur le rapport de mammographie qu’il avait reçu.

Si la femme est informée par lettre, elle peut poser des questions, discuter avec son médecin si des tests supplémentaires sont requis, prendre rendez-vous pour un ultrason ou une échographie, énumère Mme Dale. Elle peut aussi être plus vigilante lors de son auto-examen des seins.

Le ministère de la Santé du Québec ajoute toutefois qu’il est en train de développer une solution qui fera en sorte que tous les rapports de mammographie apparaîtront au Carnet santé Québec. Mais comme cela requiert des modifications importantes au système d’information du programme québécois de dépistage, il est prévu qu’elles soient intégrées lors de la prochaine refonte dont l’implantation devrait débuter au printemps 2021.

Mais uniquement la cote de densité sera disponible — sans explications.

Pour les fournir, le ministère dit avoir l’intention de créer un outil sur la densité mammaire qui sera éventuellement en ligne sur le site du ministère de la Santé.

Cette solution n’est pas acceptable pour le groupe Seins Denses Canada.

Il fait valoir que d’autres provinces, comme la Colombie-Britannique, ont choisi de transmettre l’information aux femmes dans la lettre post-mammographie, parfois avec une brochure explicative.

La Fondation du cancer du sein du Québec souhaite aussi que cette cote de densité mammaire soit transmise aux femmes avec les explications nécessaires. Mais correctement, afin de ne pas créer de stress ni de panique, a souligné Jida El Hajjar, vice-présidente aux investissements et promotion de la santé à la Fondation.

« C’est important de donner toutes les informations nécessaires aux personnes après une mammographie. C’est quand même un examen clinique important. »

Mais elle ne croit pas que ces femmes, parce qu’elles ont les seins denses, doivent forcément subir tous les autres tests. Plusieurs données et facteurs de risque devraient être discutés avec leur médecin et évalués.

Il s’agit plutôt de s’assurer qu’elles aient cette information, afin de pouvoir poser des questions et discuter avec leurs médecins de ce qu’elles doivent faire. Si c’est bien expliqué aux femmes, elles seront moins stressées, croit-elle.