Le ministre du Travail, Jean Boulet, admet que le salaire des préposés aux bénéficiaires dans le secteur privé est peu élevé. Il serait ouvert à l’idée de les soumettre à un décret de convention collective, afin de rehausser leur salaire… mais à la condition que la demande vienne du milieu, incluant les employeurs.

Or, pour le moment, la demande émane du milieu syndical, notamment du Syndicat québécois des employés de service (SQEES), du syndicat des Teamsters et de la FTQ, à laquelle ces deux grands syndicats sont affiliés.

Les préposés aux bénéficiaires qui travaillent dans des résidences privées pour personnes âgées gagnent souvent de 13 $ à 14 $ l’heure. Ils prennent soin d’aînés, leur donnent des bains, les aident à manger.

Plus tôt cette semaine, le président de la FTQ, Daniel Boyer, est revenu à la charge en affirmant qu’un décret de convention collective serait une façon d’offrir des conditions de travail minimales à ces travailleurs qui prennent soin de personnes âgées.

Ce qu’est un décret

Il existe 15 de ces décrets de convention collective au Québec, dans des domaines comme l’industrie du camionnage, les agences de sécurité et l’entretien d’édifices publics.

Un décret de convention collective permet d’accorder les mêmes salaires aux travailleurs de toute une industrie, qu’ils soient syndiqués ou non, et même s’ils ont des employeurs différents.

Pour les employeurs aussi, ils peuvent représenter un avantage, puisqu’ils se trouvent à égaliser les chances lorsqu’ils soumissionnent pour un appel d’offres, par exemple. Cela évite que la concurrence se fasse en rognant sur les salaires des travailleurs.

Interrogé à ce sujet, le ministre Boulet a affirmé qu’il n’était « pas fermé à ça », mais qu’il faudrait qu’une volonté en ce sens soit exprimée par l’ensemble du milieu, non pas seulement par des représentants des travailleurs.

« La loi sur les décrets de convention collective, c’est d’application sectorielle, géographique et volontaire. Si les parties souhaitaient être couvertes par le régime des décrets de convention collective, si elles m’approchaient, je serais ouvert à en discuter avec elles », a indiqué le ministre.

Il a dit comprendre les revendications des préposés aux bénéficiaires. « Je trouve qu’ils font un travail fondamental pour assurer la santé notamment des personnes aînées. C’est un travail à l’égard duquel j’ai énormément de respect. Si on y allait au mérite, je pense que le salaire n’est pas suffisant », a opiné le ministre.

Employeurs

Mais Yves Desjardins, président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés, qualifie d’« extrêmement dangereux » un tel décret.

« L’industrie des résidences pour aînés est fragile », a-t-il souligné, en précisant que toutes ne sont pas des résidences de 700 ou 800 unités qui appartiennent à de grandes chaînes. Des petites résidences en région « ont peine à boucler leur budget », affirme-t-il.

Du même souffle, il admet que les résidences ont peine à recruter des préposés.

« La difficulté dans les résidences pour aînés, c’est que les revenus proviennent presque exclusivement des loyers. Et les loyers, ce sont les aînés qui les paient. Les gens disent sur le terrain :’on aimerait ça donner de meilleurs salaires, mais mes aînés ne sont pas capables de payer, d’assumer l’augmentation de loyer que ça va causer’ », rapporte M. Desjardins.

Il concède qu’à 13 $ ou 14 $ l’heure, le salaire est vraiment peu élevé pour prendre soin d’un aîné. « On est même d’accord à ce que les préposés gagnent un peu plus, mais il va falloir pour ça équilibrer les revenus », ajoute-t-il.

Le SQEES revendique pour ses membres 15 $ l’heure à l’embauche et 1 $ l’heure d’augmentation par année, pour un contrat de travail de trois ans. Ses membres dans certaines résidences ont tenu des journées de débrayage l’automne dernier.