« En juin, si mes sacs de stomie ne sont pas payés, je mets fin à mes jours. Ce n’est pas vrai que je vais vivre dans ma merde. »*

Nathalie Grenier a appelé La Presse, lundi, réagissant au dossier publié dans nos pages sur les paraplégiques et les tétraplégiques qui se plaignaient du manque d’aide de leur CLSC, des menaces régulières d’être envoyés en CHSLD, de la difficulté d’obtenir des soins ou des cathéters en nombre suffisant pour ne pas subir d’infections urinaires à répétition.

Âgée de 53 ans et souffrant d’une maladie intestinale, Mme Grenier doit pour sa part payer entre 10 000 $ et 15 000 $ pour ses sacs de stomie**. Jusqu’ici, les assurances de son conjoint les payaient, mais il vient de perdre son emploi. Mme Grenier vit des 1000 $ par mois de la Régie des rentes et elle recevait jusqu’ici 800 $ par année en aide gouvernementale pour ses sacs (somme qui sera majorée à 1200 $ sous peu).

« Réalisez-vous que des gens s’isolent, ne sortent plus de chez eux parce qu’ils doivent garder leurs sacs sales ? », assure-t-elle.

Un vendredi soir, je me suis trouvée par hasard à la pharmacie avec une femme qui, en larmes, implorait le pharmacien de lui donner des sacs parce qu’elle n’avait pas d’argent. Le pharmacien s’est tourné vers moi, sachant que j’en avais. C’est moi qui l’ai dépannée.

Nathalie Grenier

Quelque 950 personnes se trouvent sur la liste d’attente du Programme d’aide matérielle pour les fonctions d’élimination, selon le ministère de la Santé.

Parmi elles, bon nombre de personnes lourdement handicapées, certaines dans la vingtaine ou la trentaine. Cela relève du cabinet du ministre Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux qui, nous a-t-on dit, se penche activement sur ce dossier.

Assez de « la loi de l’omerta »

Le dossier a aussi fait réagir fortement Danielle McCann, ministre de la Santé et des Services sociaux, qui n’a rien caché de sa colère.

« La loi de l’omerta, je n’en veux plus dans notre réseau. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Danielle McCann, ministre de la Santé et des Services sociaux

Mme McCann a indiqué qu’une directive allait rapidement être envoyée dans le réseau pour qu’il soit très bien établi que l’objectif est de garder ces personnes handicapées (qui sont souvent dans la vingtaine ou la trentaine) le plus longtemps possible à domicile.

Peut-être qu’un jour les soins requis seront trop lourds pour que ce soit possible. Si tel est le cas, il n’est pas question que cela se fasse à brûle-pourpoint ou dans un moment de colère, « mais de façon respectueuse ».

Il est inacceptable, a dit Mme McCann, que ces personnes « se fassent dire qu’elles coûtent trop cher ou qu’il est temps qu’elles aillent en CHSLD ».

Mais surtout, insiste Mme McCann, le personnel qui a connaissance de situations inacceptables ne doit pas se taire. Les intervenants doivent parler à leurs gestionnaires qui, eux, « doivent prendre des mesures pour corriger la situation ».

Quant aux soins très inégaux d’un CLSC à l’autre, Mme McCann a souligné que le Ministère était en train de travailler à harmoniser tout cela.

Non, les plus handicapés, qui sont très dépendants de leur CLSC, n’ont pas à déménager pour être bien pris en charge. « Tous les Québécois doivent avoir les mêmes services à travers la province. »

*Ligne de prévention du suicide, partout au Québec : 1 866 APPELLE (277-3553)

**Informations issues du ministère de la Santé et des Services sociaux: 

Les frais encourus par les bénéficiaires pour l’appareillage d’une stomie sont relativement variables. Le type de stomie, sa complexité ainsi que les particularités physionomiques propres à chaque individu influencent les coûts défrayés annuellement.

Selon l’estimation de la RAMQ en 2018, effectuée par recension d’information auprès de stomothérapeutes ainsi que par extraction de données internes, le coût moyen annuel estimé d’une stomie est de 1590 $. Considérant les éléments mentionnés précédemment, ce montant représente un coût moyen et il peut varier d’un bénéficiaire à l’autre.