Un important groupe de professionnels du milieu de la santé exige que les hôpitaux deviennent plus sécuritaires à la suite de la tentative de meurtre d’un patient contre son psychiatre, au pavillon Albert-Prévost, affilié à l’hôpital du Sacré-Cœur. « Tous les acteurs du système doivent se sortir la tête du sable, enlever leurs lunettes roses et agir pour sécuriser nos hôpitaux », écrivent les deux signataires d’une lettre – appuyés par 150 de leurs collègues – dévoilée lundi.

Selon la psychiatre Florence Chanut, les « histoires à donner froid dans le dos » sont devenues « monnaie courante » dans les hôpitaux. « Il faut que les gens comprennent le niveau de violence », a dit l’instigatrice de la lettre (publiée dans notre section Débats) à La Presse.

L’élément qui a déclenché l’écriture de ce billet a été la tentative de meurtre contre son collègue Mario Roy, le 29 octobre. Joshua Côté-Mashala a poignardé son psychiatre avec une arme tranchante. Le patient a été accusé de tentative de meurtre tandis que le médecin a été transféré dans un autre hôpital, où on ne craignait pas pour sa vie.

Selon la lettre, seulement trois employés ont continué à travailler à la suite de cette agression. Dix ont été placés en arrêt de travail à la suite du choc qu’ils ont subi. Des patients ont aussi été affectés par la scène à laquelle ils ont assisté.

« Dans les heures qui ont suivi, un patient a fugué, un a signé un refus de traitement. Une autre a demandé à être euthanasiée, car dans sa dépression psychotique, la dame âgée était convaincue que tout était de sa faute. D’autres patients s’enfoncent dans leur psychose exacerbée par les cris, le sang, la terreur », lit-on dans la lettre publiée dans nos pages.

La Dr Chanut s’offusque que deux semaines après l’événement, seulement deux gardiens de sécurité travaillent dans tout l’hôpital. Un troisième gardien a été embauché à la suite de l’agression, mais il a été remercié la semaine dernière, selon la docteure.

Marc Labonté, directeur des programmes de santé mentale et dépendance au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, réfute cette information et affirme qu’un troisième gardien de sécurité est toujours en poste le matin, le soir et la nuit. Il ajoute que des détecteurs de métal sont aussi placés à l’entrée des urgences de l’hôpital psychiatrique depuis quelques années. Il convient que les patients peuvent toutefois emprunter une autre porte que celle des urgences.

Je n’ai pas de raison de dire que [le pavillon Albert-Prévost] n’est pas sécuritaire. Les employés exercent une vigilance importante, et les médecins le font également. Nous avons des mesures pour prévenir ce genre de geste aux urgences avec nos équipements de détection de métal.

Marc Labonté, directeur des programmes de santé mentale et dépendance au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal

M. Labonté a d’ailleurs qualifié l’agression « d’événement exceptionnel ».

L’hôpital du Sacré-Cœur a déclenché une enquête, il y a deux semaines, pour évaluer les mesures de sécurité dans l’établissement. Les résultats ne sont pas encore connus.

Pareil partout

L’événement au pavillon Albert-Prévost n’est pas une situation isolée, soutiennent les auteurs de la lettre.

Le chef des urgences psychiatriques de l’hôpital Notre-Dame, le Dr Stéphane Proulx, a été bouleversé par la tentative de meurtre contre son collègue du pavillon Albert-Prévost. Le médecin psychiatre s’inquiète depuis longtemps de la sécurité dans les hôpitaux, mais ce geste de violence lui a donné la force de parler publiquement.

Les hôpitaux sont des passoires. Il n’y a pas de détection de métal, il n’y a pas de fouilles. Quelqu’un qui m’en veut peut rentrer dans l’hôpital, demander où je me situe, arriver devant moi et faire ce qu’il a à faire.

Le Dr Stéphane Proulx, chef des urgences psychiatriques de l’hôpital Notre-Dame

Le médecin John P. Sader, qui travaille avec une clientèle toxicomane et avec des personnes ayant des troubles psychiatriques, appuie la déclaration. Pour lui, les hôpitaux ont besoin de plus de ressources pour devenir sécuritaires.

« C’est notre devoir de société de donner des soins aux patients, mais aussi de les protéger contre eux-mêmes et de protéger le personnel des gens qui ne sont pas toujours en contrôle de leur comportement », affirme l’omnipraticien de la clinique médicale 1851.

Pour les auteurs de la lettre, ces situations ne peuvent plus durer.

« Le pire est déjà arrivé », clament-ils.