Si vous vous retrouvez à Montréal dans une pièce avec quatre hommes, l’un d’entre eux est susceptible d’être en situation de détresse psychologique. Mais si vous êtes dans une soirée de jeunes hommes célibataires et sans emploi, les chances sont bonnes que la moitié d’entre eux soient dans cette situation.

Une enquête SOM réalisée pour le Comité régional en santé et bien-être des hommes de l’Île de Montréal démontre en effet qu’un homme montréalais sur quatre serait en situation de détresse psychologique probable, mais que cette proportion monte à un homme sur deux lorsqu’on ajoute d’autres facteurs associés à l’âge, au revenu et à l’état matrimonial.

« Il y a des sous-groupes qui sont plus affectés », a expliqué la psychologue et chercheuse Janie Houle, du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, en présentant les résultats de l’enquête dans le cadre du colloque régional montréalais sur la santé et le bien-être des hommes, jeudi.

« Le premier sous-groupe, ce sont les jeunes de 25 à 34 ans, où le taux serait de 43 %. Chez les hommes célibataires, il serait de 34 %, chez les hommes à faible revenu c’est aussi une prévalence plus élevée, à près de 30 % et chez les hommes qui ne sont pas sur le marché du travail ni à la retraite — donc les étudiants, les personnes qui sont à la maison à la recherche de travail — le taux est aussi de 40 % de détresse psychologique et lorsqu’on rassemble ensemble ces différents facteurs de risque, le taux peut monter jusqu’à 52 % de détresse psychologique », a énuméré la chercheuse.

« C’est un homme sur deux dans cette situation qui ne va pas bien s’il est âgé de 25 à 34 ans, célibataire, à revenu faible et sans emploi », a-t-elle conclu.

L’enquête démontre par ailleurs que l’écrasante majorité des hommes qui sont en situation de détresse psychologique ont consulté un médecin, mais que seulement 17 % d’entre eux se sont tournés vers une ressource psychosociale. Pourtant, les trois quarts d’entre eux l’auraient fait si le médecin les avait orientés dans cette direction, l’influence de ces derniers étant supérieure à celle de la conjointe, de la famille ou des proches.

Bien que les taux de détresse psychologique correspondent en grande partie à ce à quoi l’on s’attendait, la docteure Houle reconnaît avoir été surprise par le score de 43 % de détresse psychologique probable pour l’ensemble des hommes de 25 à 34 ans.

Elle précise que les hommes ont davantage de barrières à la consultation, l’une d’entre elles étant le doute face à l’utilité de la démarche. Ce n’est donc pas une surprise si en général les hommes souhaitent qu’une intervention psychosociale leur offre des outils pour sortir de la détresse, et ce, dans un temps relativement court. Ils sont ainsi davantage motivés par la recherche de solutions que de la cause de la détresse.

« Les hommes sont un petit peu plus sceptiques par rapport à ce que les services peuvent leur apporter. C’est important que les intervenants psychosociaux fassent mieux comprendre à la population en général quelle est la valeur ajoutée d’aller consulter dans une ressource psychosociale parce que pour le moment, il y a une sorte de scepticisme et de méfiance à l’égard de ces services », reconnaît Mme Houle.

« Il faut que, rapidement, il voie les bénéfices d’aller consulter. De cette manière, il va continuer à fréquenter la ressource et à en ressortir les bénéfices le plus possible. »

D’autres obstacles à la consultation sont les coûts des services, même faibles, lorsqu’il y en a et l’accessibilité. Ainsi, par exemple, « lorsque les hommes sont placés devant une boîte vocale, plusieurs d’entre eux vont cesser la demande, vont carrément abandonner leur demande d’aide ».

Les chercheurs ont également identifié un problème particulièrement criant à Montréal, soit que la première crainte des hommes anglophones est de ne pas pouvoir trouver de services dans leur langue.

Bien que ce ne soit pas son mandat, Janie Houle reconnaît volontiers qu’il y a un important besoin de réinvestissement dans les ressources en santé mentale et elle se réjouit, par ailleurs, de l’intention du gouvernement de mettre en place un service d’accessibilité à la psychothérapie. Elle souligne cependant que certaines initiatives ne nécessitent pas de grands investissements, notamment la création d’un site internet spécialisé pour guider les hommes dans leurs démarches, dont plusieurs répondants à l’enquête ont déploré l’inexistence.

Parallèlement, elle note que le sous-financement des organismes communautaires au cours des dernières années a entraîné son lot de conséquences prévisibles : personnel épuisé, congés de maladie et sous-effectifs dans le réseau.

L’enquête a été réalisée auprès de 1542 hommes en deux temps, soit du 4 au 16 octobre 2018, puis du 28 novembre au 10 décembre 2018.