La RAMQ vient de commencer à financer une nouvelle technique de greffe de prothèses comparable aux implants dentaires. Le Centre universitaire de santé McGill a présenté vendredi une première patiente qui, à 50 ans, a dû être amputée à cause d’un accident de moto et ne pouvait utiliser de prothèse.

De la dent au fémur

PHOTO FOURNIE PAR LE CUSM

Robert Turcotte, chirurgien

L’ostéointégration consiste à installer une tige de métal reliant une prothèse à l’os, comme pour un implant dentaire. L’utilisation de l’ostéointégration pour les amputés a d’ailleurs été mise au point en Suède dans les années 90 par le fils de l’inventeur des implants dentaires dans les années 60, selon le chirurgien orthopédique Robert Turcotte. « C’est utile pour les patients ayant des problèmes d’emboîture avec les prothèses habituelles, dit-il. Ce n’est pas pour tout le monde ; il y a des gens qui font des marathons avec des prothèses, mais il y en a d’autres qui ne peuvent pas marcher et doivent se déplacer en fauteuil roulant, particulièrement chez les amputés bilatéraux. » Les problèmes sont particulièrement fréquents pour l’amputation « transférmorale », au-dessus du genou.

Accident de voiture

PHOTO FOURNIE PAR LE CUSM

Michèle Forget après l’ostéointégration

Michèle Forget a eu un accident à l’automne 2015, quand un ami l’a amenée faire une balade en moto pour lui faire oublier un peu son divorce. Une voiture ne s’est pas arrêtée à une intersection et, à 50 ans, Mme Forget s’est retrouvée amputée au-dessus du genou gauche. « Je marchais et je perdais ma prothèse, dit-elle. Je sortais de moins en moins. J’ai été déclaré invalide. L’été dernier, je ne pouvais même plus la mettre, je n’ai pas pu essayer mon vélo adapté. » La mère de deux enfants adultes peut maintenant envisager de retourner au gym. « Ça change ma vie. Dès les premiers pas après l’opération, je me rappelais la sensation de marcher naturellement », dit Mme Forget, qui est à la retraite après une carrière de technicienne administrative à Laval.

16 ans d’efforts

Le Dr Turcotte a mis 16 ans à importer cette technique ici. « On est allés en Suède en 2003 faire une formation. Depuis 2010, 2012, il y a de plus en plus d’opérations de ce genre en Europe et en Australie. On est rendu à 1200 patients dans le monde. L’armée américaine en fait, et d’autres centres aux États-Unis, mais au privé. Alors, il y a plus de données. En 2017, on est allés en Australie étudier les résultats là-bas et, cet automne, la RAMQ a décidé d’autoriser 50 opérations par année. On a fait les premiers patients au public au Canada. » Environ 25 patients montréalais se sont fait opérer en Europe ou en Australie, à un coût évalué à 100 000 $ par le Dr Turcotte, qui a aussi suivi l’évolution de ces patients afin de convaincre la RAMQ.

Les risques

Selon le Dr Turcotte, 5 ans après l’opération, 95 % des patients ont toujours leur implant au fémur. Des données suédoises montrent qu’après 10 ans, cette proportion baisse à peine, à 90 %. Il devrait être possible de reposer un implant, selon lui. Les patients ayant une amputation pour du diabète ou une cardiopathie ne sont pas de bons candidats à cause des risques accrus d’infection. Il peut aussi y avoir des fractures, particulièrement pour les patients atteints d’ostéoporose, mais, selon le Dr Turcotte, elles peuvent être réparées.

Ostéointégration dès l’amputation

IMAGE TIRÉE D’UNE VIDÉO DU CUSM

L’ostéointégration consiste à installer une tige de métal reliant une prothèse à l’os.

En théorie, il pourrait être possible de faire une ostéointégration en même temps qu’une amputation. Mais le coût de l’opération est élevé à cause de l’implant, qui coûte de 22 000 $ à 25 000 $, selon le Dr Turcotte. « Il y a trois fabricants, dit-il. On espère qu’il y aura de la concurrence et que les prix baisseront. Il faut aussi attendre de voir les résultats à plus long terme. » L’ostéointégration est aussi possible pour les amputés des bras, particulièrement avec les prothèses activées par la pensée ou la stimulation des muscles.