(Québec) Les infirmières praticiennes spécialisées (IPS), dites « super-infirmières », doivent être rémunérées à la hauteur des nouveaux pouvoirs qu’elles obtiendront bientôt, soutient leur syndicat.

Par chance, les astres sont bien alignés, relève la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Nancy Bédard. « Tout arrive très très bien », a-t-elle déclaré en entrevue téléphonique.

Le projet de loi 43 viendra élargir le champ de pratique des IPS, alors que la prochaine négociation du secteur public et le rendez-vous quinquennal pour le maintien de l’équité salariale leur assureront de meilleures conditions de travail et salariales, croit-elle.

Mme Bédard met toutefois en garde la ministre de la Santé, Danielle McCann, contre le risque d’échec de sa réforme parce qu’elle n’a pas répondu aux revendications des « super-infirmières ». La ministre s’est fixé comme objectif d’en compter 2000 d’ici 2023-2024.

« Si elle manque son coup, et s’il n’y a pas de reconnaissance des conditions de travail et salariales qui viennent avec ça, il y a des risques qu’elle n’y arrive pas. […] Si on n’embauche pas plus d’IPS, […] elles vont se retrouver en surcharge de travail », a-t-elle prévenu.

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La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Nancy Bédard

S’il est adopté, le projet de loi 43 mettra fin à la tutelle exercée par les médecins sur les infirmières praticiennes spécialisées et permettra à celles-ci de poser des diagnostics, déterminer des traitements et prescrire des médicaments. Or, le premier ministre François Legault ne s’est toujours pas engagé à bonifier leur salaire.

« Ce qu’on veut surtout, c’est qu’elles soient capables de travailler sans avoir toujours un médecin dans le dos qui est obligé de ratifier ce qu’elles font », a-t-il déclaré jeudi en mêlée de presse.

Le Québec compte actuellement 600 « super-infirmières », dont le salaire se situe entre 52 000 $ et 104 000 $ pour des semaines de 36,25 heures. En comparaison, une infirmière gagne entre 48 000 $ et 85 000 $.

Les IPS doivent suivre une formation universitaire d’environ huit ans ; elles doivent détenir une maîtrise en sciences infirmières, plus un diplôme complémentaire en science médicale, suivis d’un stage de 950 heures.

Le levier de l’équité salariale

La FIQ — qui représente près de 500 IPS au Québec — croit disposer de deux leviers importants pour faire bouger les choses, dont celui du maintien de l’équité salariale.

Tous les cinq ans, l’employeur doit démontrer que les catégories d’emplois à prédominance féminine reçoivent toujours une rémunération au moins égale à celle des catégories d’emplois à prédominance masculine de même valeur ou de valeur équivalente.

En 2020, la FIQ plaidera pour que les « super-infirmières » passent du 26e au 28« rangement », ce qui aurait pour effet de bonifier leur salaire de base.

Elle demandera en outre au gouvernement de reconnaître le travail des IPS qui supervisent des stages et de leur octroyer des « primes » en conséquence, en plus de leur rembourser les frais associés aux formations qu’elles doivent suivre pour maintenir leurs compétences.

« Elles doivent aller dans des congrès qui coûtent cher, elles doivent se déplacer et elles doivent payer pour ça, contrairement à la plupart des autres types d’emplois, souligne Nancy Bédard. Le projet de loi 43 va leur demander beaucoup plus dans leur travail. »

Autre levier cet automne, la négociation vue du renouvellement des conventions collectives des 500 000 employés du secteur public. La FIQ n’a pas encore chiffré ses demandes, mais « je peux vous dire qu’on va être au rendez-vous », déclare sa présidente.

Elle croit que le gouvernement doit faire preuve de largesse envers les infirmières et « super-infirmières », particulièrement dans un contexte de surplus budgétaire. « On n’a jamais eu grand-chose facile, nous autres. Il faut se battre et se battre et faire des luttes pour avoir la pleine reconnaissance », a-t-elle rappelé.

En septembre, M. Legault a déclaré que le surplus budgétaire n’appartenait ni aux syndicats ni aux groupes de pression. Il a prévenu les employés du secteur public qu’ils ne devaient pas s’attendre à obtenir des augmentations salariales supérieures à l’inflation. Il prévoit toutefois des exceptions pour les préposés aux bénéficiaires et les enseignants en début de carrière.