(Montréal) Une vaste action collective vient d’être autorisée contre des CHSLD du Québec pour les allégations de mauvaises conditions de séjour de leurs résidants, qui ne recevraient pas les soins et les services auxquels ils ont droit.

Le juge Donald Bisson, de la Cour supérieure, a donné le feu vert à cette action par un jugement rendu lundi. Les allégations de la poursuite devront toutefois être prouvées devant un juge, lors d’un procès.

Le montant de l’indemnisation pourrait atteindre quelques centaines de millions, calcule le Conseil pour la protection des malades qui avait déposé cette demande d’action collective en 2018. Il y réclamait des dommages compensatoires et des dommages punitifs pour tous les résidants de ces CHSLD, depuis le 9 juillet 2015, ainsi que le remboursement des sommes payées pour obtenir certains services.

L’action collective vise le gouvernement du Québec et 22 CISSS et CIUSSS qui exploitent des Centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) un peu partout au Québec.

Le principal plaignant est Daniel Pilote, résidant dans un CHSLD depuis 2014. Il veut faire appel aux tribunaux pour améliorer les conditions de vie et obtenir justice pour lui-même et pour d’autres. Il est complètement paralysé, à l’exception de sa tête, et dépend d’appareils respiratoires pour vivre.

Il allègue notamment que les préposés de son CHSLD sont débordés et surmenés, ce qui a un impact sur la qualité des soins qu’il reçoit. Il ajoute qu’il n’obtient pas les soins nécessaires à son état : son corps inerte est manipulé trop rapidement et inadéquatement, par exemple, « en le plaçant trop rapidement dans son fauteuil roulant et en le heurtant ». Il n’est pas lavé adéquatement, il se dit victime d’erreurs médicales, soutient que sa médication est souvent mal gérée et qu’il vit avec l’anxiété que le personnel inexpérimenté ne sache pas quoi faire avec son équipement respiratoire en cas d’urgence. Le mucus accumulé dans sa trachée n’est pas aspiré en temps opportun, ce qui gêne sa respiration, dit-il. Pour d’autres résidants, les manquements varient grandement.

M. Pilote a noté que la nuit, il n’y a parfois qu’un seul infirmier pour 111 résidants dont certains ont des conditions médicales complexes, nécessitant des soins réguliers.

Dans son jugement d’autorisation, le juge Bisson autorise la réclamation pour dommages compensatoires à aller de l’avant, mais pas celle pour les dommages punitifs ni le remboursement des sommes payées pour certains services.

Le Conseil pour la protection des malades estime qu’il y a plus de 35 000 Québécois vivant dans des CHSLD. Pour eux, l’action collective réclame jusqu’à 750 $ par mois de résidence dans un CHLSLD, et 100 $ par mois en dommages exemplaires.

Cette autorisation de l’action est « encourageante », note en entrevue le porte-parole du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, qui craint toutefois un appel.

« On veut que ceux qui ont subi ces maltraitances, ces atteintes à leurs droits à la sécurité, à la sûreté, à la dignité, soient dédommagés. Ce n’est pas parce qu’on est dans un CHSLD que les lois du Québec ne s’appliquent plus quand on vous a fait du mal. »

Il veut que l’avenir porte les fruits de ce recours, notamment par l’adoption d’une loi qui prescrirait le plancher en deçà duquel un CHSLD ne peut mener ses activités.

« C’est pas comme ça qu’on traite du monde », s’est-il exclamé, ajoutant qu’une pénurie de personnel n’est pas une excuse.

M. Brunet souhaite que le gouvernement québécois se serve de son excédent budgétaire pour dédommager dès maintenant toutes les personnes victimes de ce « gâchis », et ne fasse pas traîner ce recours devant les tribunaux pendant des années.