(Laval ) Samuel est autiste. Enfant, il était turbulent, violent et s’automutilait. Mais le voilà qui fait son entrée au cégep à 18 ans, une réussite éblouissante pour un jeune à qui les médecins prédisaient une vie de dépendance. Devenir adulte dans un monde mal préparé à sa différence n’a toutefois rien de facile. Sa mère, la députée Jennifer Maccarone, souhaite qu’on soutienne mieux ces jeunes adultes vulnérables. Elle en fait sa mission.

Les murs de la maison sont parsemés de petites notes. « Accepte les autres, accepte qui tu es. » « Tu ne peux pas tuer tes pensées. Accueille-les, puis passe à autre chose. »

Dans le salon, Jennifer Maccarone est entourée de ses deux enfants. Samuel, 18 ans, élève en communications au cégep Vanier. Passionné de musique et de football. Bianca, 16 ans, qui rêve d’être une actrice. « À Hollywood », précise-t-elle. Une famille normale dans un quartier tranquille de Laval, lovée sur le sofa.

Mais cette quiétude a été gagnée à la dure. Des centaines d’heures de thérapie pour le garçon qui n’a pas parlé avant l’âge de 5 ans. Avec d’intenses séances de désensibilisation aux bruits et au toucher. De nombreux après-midis au cinéma avec Bianca, où les crises de la jeune fille étaient si violentes qu’elle s’en rendait malade.

Les deux enfants, autistes à une époque où les diagnostics étaient moins fréquents, se sont adaptés au monde qui les entoure. Et aujourd’hui, l’entrée au cégep du plus vieux s’apparente à « une nouvelle naissance », explique Jennifer Maccarone, maman d’abord, députée libérale de Westmount–Saint-Louis ensuite.

Les crises d’angoisse sont revenues pour Samuel. Près de la porte d’entrée, il respire bruyamment. « Il a une passe de stress extrême », explique sa mère lors du passage de La Presse. À sa nouvelle école, il faut rappeler qu’il est autiste. Il doit aussi obtenir un nouveau diagnostic, avec un nouveau médecin. Car « le pédiatre ne fait plus de suivi après 18 ans ».

Et voilà que la maison redevient un lieu de thérapie rempli de pensées positives. Un « safe space » où réapprivoiser la vie. Avec une maman qui est désormais députée et dont le travail la mène trois jours par semaine à Québec.

Du laboratoire à la vraie vie

Quand Samuel avait 2 ans, après des mois très difficiles, Jennifer Maccarone a compris : « There is something wrong. »

« Mon enfant était en crise 24 h sur 24. Si je n’avais pas de ketchup, il ne mangeait pas. Un moment donné, tu vas te cacher dans le garage pour avoir du répit », se souvient-elle.

Obtenir un diagnostic du trouble du spectre de l’autisme lui a demandé des dizaines de rendez-vous avec des spécialistes. Ensuite, son sous-sol s’est transformé en un véritable laboratoire. Samuel suivait près de 40 heures de thérapie par semaine.

« J’avais un minisofa. J’étais assise près de lui, qui était avec une thérapeute. Elle lui demandait de taper deux fois dans ses mains. Tant qu’il ne le faisait pas, il ne quittait pas la table. Il a craché sur elle, il a essayé de la mordre, il criait, il hurlait, il essayait de partir. Mais je savais qu’il était capable », se remémore Mme Maccarone.

Le travail a finalement payé. Une petite victoire, comme lorsque son fils a demandé de la crème glacée à table. Il avait 5 ans. Il parlait pour la première fois. Le souper a été très sucré.

Désormais, quand sa mère part le mardi pour Québec, « parfois à 4 h du matin », c’est lui qui s’occupe de tenir maison avec sa sœur. La semaine dernière, il lui a appris à faire cuire des pâtes. Tout s’est bien passé. Mais les crises ne sont jamais loin.

Récemment, Bianca a paniqué en voyant qu’une tourtière qu’elle avait mise au four était toujours congelée. Elle s’était mêlée entre les degrés Celcius et Farenheit. Une erreur banale qui a tout de même nécessité l’intervention de sa mère, en appel vidéo.

À l’Assemblée nationale pour ses enfants 

« Nous sommes vraiment fiers de toi parce que tu travailles fort pour changer la vie des gens », dit Bianca à sa mère, comme pour l’encourager à rester sereine. Ses enfants soutiennent son choix d’être députée.

Même à trois heures de route, sa fille et son fils ne sont jamais loin. Jennifer Maccarone le dit et elle le répète sans cesse : ce travail – plus difficile qu’elle ne l’imaginait –, elle le fait pour ses enfants.

À l’Assemblée nationale, la députée travaille ces jours-ci sur une initiative personnelle. Elle veut aider les familles comme la sienne qui ont de jeunes adultes aux prises avec un trouble du spectre de l’autisme. Elle a notamment déposé la semaine dernière un « mandat d’initiative », dans l’espoir d’obtenir qu’une commission parlementaire se penche sur la question. Elle a bon espoir qu’on lui dira oui.

Je comprends que c’est difficile. Que c’est lourd financièrement pour l’État de subventionner des services, mais le nombre de cas confirmés de gens autistes est en croissance.

Jennifer Maccarone, députée libérale de Westmount–Saint-Louis et mère de deux enfants autistes

Selon la Fédération québécoise de l’autisme, « en cinq ans, soit entre 2005 et 2011, le nombre d’élèves autistes scolarisés dans le secteur public au Québec a doublé ». Les besoins sont grands.

Pour un intervenant pivot

Jennifer Maccarone déplore le manque de ressources pour les enfants autistes qui atteignent la majorité. La députée, qui est aussi porte-parole de l’opposition officielle en matière de famille et de clientèles vivant avec un handicap ou avec un trouble du spectre de l’autisme, n’a elle-même pas trouvé de thérapeute pour accueillir son fils, vulnérable ces jours-ci à une période charnière de sa vie.

« Je crois fondamentalement que ça prend des intervenants pivots pour aider les familles à naviguer au travers du système de santé, des services communautaires et répondre aux nombreuses questions qu’on peut avoir. »

Même si elle connaît très bien le réseau, Mme Maccarone nage aujourd’hui dans une mer d’incertitudes. Où trouver du répit ? Comment aider son fils dans ses études ? Avec sa santé ? Si elle peine à trouver des réponses, d’autres ayant moins de ressources qu’elle doivent encore plus s’y perdre.

« Je sais que c’est important que je parle. Dire aux autres familles dans ma situation que je les comprends. Je comprends leur peine, leur deuil, mais je veux qu’elles gardent espoir. On va trouver ensemble un chemin pour aider nos enfants », conclut Mme Maccarone.

Québec promet des actions

Le gouvernement Legault a affirmé à La Presse avoir « pris connaissance du manque de services pour les personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme de 21 ans et plus et du stress que cela occasionne aux parents ». Au cabinet du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, on affirme être « en action pour qu’il y ait une continuité des services à la fin de la scolarisation, que chaque enfant puisse demeurer le plus longtemps possible auprès de sa famille et que, lorsqu’un hébergement est requis, que chacun puisse en obtenir un qui soit approprié pour son type de handicap ou son degré d’autonomie ». En campagne électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) promettait notamment de « rétablir un équilibre entre l’aide versée aux familles naturelles et aux familles d’accueil de handicapés mineurs et majeurs ». À ce sujet, l’organisme Parents pour toujours attend encore une rencontre conjointe entre le cabinet de M. Carmant et le ministère des Finances, a appris La Presse la semaine dernière.