Santé Canada s’apprête à lancer dès cet automne une vague d’inspections de commerces qui vendent des produits de vapotage et d’échantillonnage de ces produits pour en analyser les composantes et la teneur en nicotine.

Bien que le ministère refuse de confirmer l’information, La Presse canadienne a appris que 22 inspecteurs affectés à cette tâche seront déployés pour réaliser ce travail d’inspection et d’échantillonnage.

Dans un courriel à La Presse canadienne, Santé Canada confirme cependant que «d’ici la fin de 2019, les inspecteurs de Santé Canada auront visité 3000 détaillants de produits de vapotage (des magasins spécialisés et des dépanneurs) afin de vérifier la conformité avec la LTPV (Loi sur le tabac et les produits de vapotage) et la LCSPC (Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation)».

Le ministère ajoute que les inspecteurs examineront «tous les produits en vente dans l’établissement» et que «le non-respect d’une ou de plusieurs des dispositions des lois pourrait avoir des conséquences graves, telles que la saisie de produits ou des sanctions pécuniaires».

Vapoter: «un acte de foi»

Les liquides de vapotage — aussi appelés e-liquides — contiennent du glycérol ou propylène glycol qui servent de diluant pour la nicotine, ainsi que du diacétyle, utilisé pour les saveurs, des produits qui présentent des risques de toxicité, quoique beaucoup moins graves que ceux du tabac. La nouvelle génération de cigarettes électroniques, elle, utilise ce que l’on appelle des sels de nicotine.

À ces ingrédients connus s’ajoute une autre variable, plus inquiétante celle-là, avertit Mathieu Valke, toxicologue à l’Institut national de santé publique du Québec: «il y a toujours possibilité de produits chimiques dans tout ce qui est fumé ou inhalé. Le problème, c’est qu’il n’y a pas trop de réglementation sur le contenu des liquides, dont on ne sait pas trop ce qu’ils contiennent».

Santé Canada précise toutefois que le projet de Règlement sur l’étiquetage et l’emballage des produits de vapotage prévoit que «les étiquettes de toutes les substances à vapoter devront inclure une liste d’ingrédients. De plus, les produits à vapoter qui contiennent de la nicotine devront porter un énoncé uniformisé sur la concentration en nicotine et une mise en garde à propos du risque de dépendance associé à la nicotine.»

«Vapoter, c’est un peu un acte de foi», affirme cependant le docteur Mathieu Morissette, chercheur à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, affilié à l’Université Laval. «On peut se procurer des e-liquides d’endroits louches ou les commander sur l’internet sans trop savoir ce qu’il y a dedans — ce n’est pas tout le monde qui a un laboratoire de biochimie à la maison pour en analyser le contenu.»

Fausse représentation

Pourra-t-on se fier à l’étiquetage une fois le règlement en vigueur? Celui-ci pourrait être trompeur, répond le docteur Morissette.

«Dans des études où l’on avait pris aléatoirement des cigarettes électroniques dans les dépanneurs et où l’on a dosé la nicotine, la moitié des cigarettes électroniques qui disaient ne pas avoir de nicotine en contenaient», précise-t-il.

C’est pourquoi Santé Canada entend y regarder de plus près, et ce, sur une vaste échelle. «À la fin de 2019, le Ministère aura inspecté 1000 magasins spécialisés et 2000 dépanneurs au total», a indiqué le ministère par courriel.

Il ne s’agit là que d’une infime fraction des commerces spécialisés et dépanneurs ayant pignon sur rue et, avec 22 inspecteurs, la tâche s’annonce colossale.

«Avec la quantité de liquides, de "vape shops" qui existent, les liquides qu’on peut commander sur l’internet, c’est presque impossible à contrôler», soupire Mathieu Morissette.

L’attrait de la cigarette électronique auprès des jeunes non fumeurs, chez qui le vapotage est en forte croissance, inquiète grandement les autorités de santé publique en raison de la dépendance sévère qu’engendre la nicotine. On ne veut toutefois pas interdire leur vente puisque l’écrasante majorité des utilisateurs de cigarettes électroniques — 85% selon les plus récentes données de l’Institut national de santé publique du Québec — sont des fumeurs qui l’utilisent pour cesser l’usage du tabac.