L’enseignement de la méditation de pleine conscience à de jeunes patients peut améliorer leur fonctionnement, les aider à combattre certains problèmes de santé chroniques et même réduire la quantité de médications dont ils auront besoin, affirme un chercheur du CHU Sainte-Justine qui y voit une pratique ayant sa place dans un « continuum » de soins.

« Il y a plusieurs conditions médicales pour lesquelles j’ai pu voir des effets chez les jeunes, a assuré le docteur Nicholas Chadi, un pédiatre spécialisé en médecine de l’adolescence et toxicomanie. Ça peut être au niveau de la perception des symptômes, des symptômes qui sont […] aidés et améliorés par des médicaments, (mais) on s’aperçoit par des exercices de méditation ou de pleine conscience, on peut avoir besoin de moins de médication ou mieux fonctionner et être capable de revenir à une vie normale, vraiment en intégrant ça au quotidien. »

Par exemple, des jeunes qui sont trop anxieux pour fréquenter l’école ou pour pratiquer leur sport préféré, ou encore qui vivent des conflits avec leurs proches, pourront utiliser certains exercices pour se recentrer et avoir une plus grande facilité à fonctionner.

Dans le cas de problèmes de santé comme la douleur chronique, les troubles alimentaires ou même l’arthrite et l’arthrose, le recours à la méditation de pleine conscience pourra réduire l’utilisation des médicaments.

« Une grande partie de la curiosité qui m’a poussé vers ce champ de recherche là est le fait que la méditation n’ait que peu ou pas d’effets secondaires, a dit le docteur Chadi. C’est accessible à tous. Les médications pour la douleur (ou) pour la santé mentale ont des effets secondaires, elles peuvent affecter la croissance ou avoir des répercussions sur le sommeil ou l’alimentation… La méditation, c’est vraiment quelque chose de très sécuritaire, si c’est bien enseigné et fait dans les bonnes conditions. »

Et dans les cas où une médication sera utilisée, poursuit-il, la méditation pourra en rehausser ou en améliorer l’effet.

Pratique formelle et informelle

Le docteur Chadi s’est initié à la méditation et au yoga dès l’adolescence. Une fois sa carrière médicale entamée, il a réalisé que cela pourrait avoir un impact positif sur ses patients.

Il l’intègre aujourd’hui à sa pratique de deux manières, l’une plus formelle et l’autre plus informelle.

La première prend la forme de groupes de huit à quinze jeunes qui se rencontrent pendant une heure et demie, une fois par semaine pendant huit semaines, en présence d’un ou deux instructeur(s).

« C’est un format qui a été répété à travers le Canada et l’Amérique du Nord avec des patients de tous les âges, a-t-il dit. On fait différentes pratiques, on partage un peu en groupe sur ce qui est notre expérience, et on s’aperçoit au bout de la ligne qu’il y a une amélioration du fonctionnement, une réduction de certains symptômes, par exemple de santé mentale ou de difficultés de fonctionnement. »

L’approche plus informelle, quant à elle, est pratiquée dans son bureau, lors de ses rencontres individuelles avec ses patients. Il leur propose alors de courtes activités de méditation et de réflexion qu’il a lui-même apprises et développées au fil des ans. Il pourra s’agir, par exemple, d’un exercice de respiration profonde de 30 ou 60 secondes pendant lequel le jeune guidera ses pensées vers quelque chose de très spécifique, comme la sensation de l’air qui entre dans les poumons, ou pendant lequel il se concentrera sur une partie de son corps douloureuse ou pas.

« À la longue, ça peut aider à développer une certaine capacité d’adaptation à des problèmes de douleur chronique, par exemple, ou des problèmes d’anxiété ou de santé mentale, a expliqué le docteur Chadi. Ce sont des activités qui peuvent être faites en marchant vers l’autobus, en se levant le matin, quand on est stressé avant un match de basketball… Ce sont des trucs très concrets qui peuvent être enseignés facilement et rapidement en clinique. »

Ouverture d’esprit

Et contrairement à ce que l’on pourrait croire de la part d’adolescents que l’on imagine souvent rivés à un écran ou un autre, la pratique de la méditation est loin de les répugner.

« Ce qui m’impressionne toujours et le plus, c’est l’ouverture d’esprit des ados aujourd’hui, a lancé le docteur Chadi. Est-ce qu’ils vont s’asseoir pour méditer ? Est-ce qu’ils vont penser à faire des activités de méditation ? Tout au contraire, c’est quelque chose qui s’intègre tellement bien à cette génération-là ! »

Par exemple, dit-il, les activités de méditation pourront être utilisées avant de réagir à un texto ou à un commentaire en ligne qui pourra être source d’anxiété ou de détresse.

« Les jeunes me parlent de leur expérience, ils me disent à quoi ça ressemble au quotidien, et c’est assez impressionnant de voir l’expérience vécue par les jeunes qui intègrent ça », a ajouté le docteur Chadi.

La demande et le besoin sont donc au rendez-vous. Malheureusement, la formation d’un instructeur qualifié n’est pas simple.

« Pour devenir un instructeur qualifié, pour développer une capacité à offrir la pleine conscience, il faut avoir une pratique personnelle, il faut l’avoir fait, il faut l’avoir vécu, a expliqué le docteur Chadi. C’est quelque chose de très expérientiel et de très concret, et c’est là un peu que ça se complique. Avec la pleine conscience, souvent ça prend des années et il faut l’intégrer un peu à notre propre quotidien pour être capable de le vivre et d’être capable d’accompagner d’autres gens, par exemple, à le comprendre et à le faire. »

Son dernier projet de recherche a donc porté sur la possibilité de transmettre le même contenu en groupe, mais de manière virtuelle, donc par une approche de télésanté, au lieu de l’enseigner dans une salle à l’hôpital. Les jeunes utilisent leur tablette ou leur ordinateur pour participer à un forum qui est modéré par un instructeur.

« On s’aperçoit qu’il y a les mêmes bénéfices, a dit le docteur Chadi. Si on n’est pas tous ensemble dans une salle à méditer, si on est chacun chez soi, on peut transférer les bénéfices et ça permet de rendre ça plus accessible. Ce n’est pas nécessairement quelque chose qu’on ait besoin de faire une heure de route pour venir à l’hôpital ou venir dans une salle pour apprendre… Il y a vraiment une possibilité d’augmenter l’accès. »