(Montréal) L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) expose le public à des risques inutiles en permettant à la viande de cervidés provenant d’installations touchées par une maladie contagieuse de se retrouver dans les assiettes des consommateurs, selon des experts.

La maladie débilitante chronique ou MDC, une infection du système nerveux central semblable à la maladie de la vache folle, affecte le cerf, le wapiti, le caribou et l’orignal. La MDC a été découverte dans une ferme de la région des Laurentides au Québec, en août dernier, entraînant la mise à mort de 2789 cerfs rouges.

Bien que les 11 carcasses qui ont été déclarées positives pour la maladie, ainsi que sept autres, aient été détruites, le reste a pu entrer dans le système alimentaire, dont 1000 jeunes animaux qui n’ont pas subi de tests, puisque ceux-ci ne sont pas assez sensibles pour détecter la MDC chez les bêtes de moins de 12 mois, selon l’ACIA.

Cette nouvelle a été une surprise pour certains experts, dont Neil Cashman, professeur de médecine à l’Université de la Colombie-Britannique et spécialiste des maladies neurodégénératives transmises par les protéines prions.

Même si aucun cas de transmission de la maladie débilitante chronique à l’homme n’a été documenté, cela ne peut être exclu, selon l’expert.

D’après lui, l’ACIA a « joué avec le feu » en permettant à ces viandes de se retrouver sur le marché.

Il mentionne une étude en cours qui suggère que la MDC peut être transmise à d’autres animaux, y compris des singes macaques. Il a aussi fait référence au cas de la vache folle, qui, à l’origine, n’était pas considérée comme dangereuse pour l’homme, mais qui a par la suite été liée à une maladie cérébrale dégénérative rare, appelée la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

M. Cashman ajoute qu’il est même possible que les médecins ne reconnaissent pas la MDC si elle affecte un être humain, car elle pourrait prendre une forme différente.

« Avec toutes ces connaissances sur la malignité des prions, leur durée de vie dans l’environnement, leur résistance à la destruction et à la dégradation, il est nécessaire de réduire l’exposition potentielle à la MDC », a-t-il soutenu en entrevue téléphonique.

L’ACIA se défend

Santé Canada note qu’il n’y a aucune preuve que la maladie affecte les humains, mais le ministère recommande malgré tout de ne pas consommer de la viande d’animaux infectés. Il recommande aussi aux chasseurs de prendre certaines précautions en manipulant les carcasses de cerf, de wapiti et d’orignal.

Dans un courriel, l’ACIA a indiqué qu’elle était en phase avec les directives du ministère.

« L’Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada soutiennent qu’il est interdit pour les animaux et produits d’animaux infectés par la MDC d’entrer dans la chaîne alimentaire canadienne », a écrit l’agence.

« La viande qui est entrée dans la chaîne alimentaire humaine provenait d’animaux qui ne sont pas connus pour être infectés par la MDC. »

Le courriel indique que « la MDC n’est pas un risque connu pour la santé humaine ou la sécurité alimentaire, et qu’il n’y a eu aucun cas enregistré dans lequel les humains auraient été infectés par la maladie ».

La MDC a été détectée pour la première fois au Canada en 1996 et s’est depuis répandue dans certaines parties de la Saskatchewan et de l’Alberta. La ferme de cerfs des Laurentides était le premier cas documenté au Québec.