Le 28 mai 2015, Zoé Sankowski mangeait tranquillement une collation quand elle s’est écroulée. Ses crises d’épilepsie n’ont pas cessé pendant trois ans. Jusqu’à ce qu’une équipe de l’Hôpital de Montréal pour enfants décide de lui enlever le lobe temporal droit, foyer des crises. De plus en plus d’enfants épileptiques sont opérés en neurochirurgie.

La mère de Zoé, Catherine Nantel, a immédiatement vu que quelque chose clochait. « Je l’ai traînée dehors, on m’a dit par la suite que l’air frais avait beaucoup aidé son cerveau, dit l’informaticienne de Boucherville. Quand les ambulanciers sont arrivés, j’étais dans tous mes états, ils ont dû me dire d’aller m’habiller, je partais en sous-vêtements. »

Zoé avait alors 8 ans. Les médecins de l’Hôpital de Montréal pour enfants ont vu qu’il s’agissait d’une encéphalite virale (inflammation du cerveau causée par un virus), qui a fini par déboucher sur une maladie auto-immune, probablement à cause d’une vulnérabilité congénitale. Une maladie auto-immune survient lorsque le système immunitaire d’un patient attaque son propre corps.

Les médicaments administrés ont plus ou moins bien fonctionné. Ensuite, une deuxième maladie auto-immune a visé la moelle épinière de la petite Zoé. 

Au départ, Zoé a pu faire un peu de tutorat à la maison, mais a dû recommencer à zéro ses apprentissages, les formes, les couleurs. Elle a ensuite fréquenté une école spécialisée à Sainte-Julie, mais manquait plus d’un jour sur deux. 

Pour compliquer le tout, Mme Nantel était enceinte lors de la première crise de Zoé. Sa petite sœur, Eva, a maintenant trois ans et demi. « Quand Zoé fait une crise, Eva lui demande : “T’es-tu correcte, Zoé ?” On blague des fois qu’elle est notre petit chien Mira. »

Batterie de tests

Les médecins ont tout d’abord proposé un stimulateur du nerf vague, un nerf crânien impliqué dans l’épilepsie. Mais la technique fonctionne plus ou moins bien. 

Nous, on voulait plutôt faire tout ce qui était possible, on ne voulait pas s’arrêter au stimulateur.

Catherine Nantel, mère de Zoé

« Le neurologue et le neurochirurgien étaient de notre bord, alors on a pu commencer à l’automne 2017 les examens spécialisés, dit Mme Nantel. Il a même fallu que Zoé aille faire des tests au Neuro (NDLR : Institut neurologique), parce qu’il n’y avait pas certains appareils comme le magnétoencéphalogramme en pédiatrie. » Le magnétoencéphalogramme est une technique d’imagerie médicale utilisée en recherche.

En mars 2018, ils ont implanté des électrodes à Zoé et ont réussi à créer sur demande une crise à partir du lobe temporal droit. « C’était la preuve mathématique que la neurochirurgie allait fonctionner », dit Mme Nantel.

L’opération

Zoé n’est restée qu’une semaine à l’hôpital après l’ablation de son lobe temporal droit. « C’est fou comme on récupère vite du cerveau, c’est notre one million dollar baby. »

Quand Zoé s’est réveillée, on a tout de suite vu que sa parole n’était plus robotisée comme elle l’était depuis 2015. C’était vraiment plus fluide.

Catherine Nantel, mère de Zoé

Le lobe temporal droit s’occupe notamment de la mémoire visuelle et spatiale, selon le neurologue de Zoé, Guillaume Sébire. « Mais le lobe temporal gauche, qui s’occupe du traitement du langage et de la mémoire verbale, peut normalement prendre le relais, dit le Dr Sébire. Il se crée de nouvelles connexions, particulièrement à l’âge de Zoé. » 

Mme Nantel a pu avoir une dérogation pour que Zoé reste une année de plus à son école primaire spécialisée et a bon espoir qu’elle pourra faire un secondaire allégé. « Elle n’ira pas à l’université, mais on a bon espoir qu’elle va finir le secondaire. » 

Comment Zoé vit-elle avec son handicap ? « Elle vit dans le moment présent, dit Mme Nantel. Elle se voit différente des autres, mais ne se met pas d’attentes, elle ne fait jamais de crises même quand on retourne à l’hôpital pour des traitements. »

L’A B C de l’épilepsie

L’épilepsie est une activité neuronale excessive. Elle peut s’exprimer par des pertes de conscience ou des convulsions. Elle est dite réfractaire quand il n’est pas possible de la contrôler par des médicaments.

Intervenir tôt

De plus en plus d’enfants ont des opérations similaires à celle de Zoé pour traiter des épilepsies réfractaires, selon son neurochirurgien, Roy Dudley. « L’important, c’est d’avoir une épilepsie focale, à partir d’un endroit précis du cerveau. On parle aussi d’intervenir dans les cas d’épilepsie non réfractaire. Souvent, il faut prendre trois ou quatre médicaments pour traiter l’épilepsie, qui affectent tout le cerveau. On pense de plus en plus qu’il vaudrait mieux faire des neurochirurgies pour que le cerveau de l’enfant puisse croître adéquatement par la suite. » Le Dr Dudley a déjà fait des ablations de zones encore plus grandes que dans le cas de Zoé.