(Ottawa) Le gouvernement fédéral considère un rapport qui lui recommande de mettre en place un régime d’assurance médicaments national universel, public et à payeur unique.

Le rapport, publié mercredi matin, recommande que le régime national soit administré par les provinces et les territoires et régi par une nouvelle loi fédérale.

Il prévoit un financement national pour le nouveau régime. Il évoque des transferts fédéraux-provinciaux pour l’achat de médicaments sur le modèle des transferts en santé.

Les provinces devraient se plier à des normes nationales.

Une première liste nationale de médicaments couverts par le régime serait en place dès le 1er janvier 2022, avec les «médicaments soi-disant essentiels». Le régime complet et une liste «exhaustive» de tous les médicaments couverts deviendraient réalité cinq ans plus tard.

PC

Eric Hoskins

L’auteur du rapport, l’ex-ministre provincial ontarien Eric Hoskins, estime à 15 milliards les coûts supplémentaires associés à pareil régime. Il veut voir Ottawa payer cette facture.

Il dit que les Canadiens payent déjà beaucoup trop cher leurs médicaments. Un régime national, selon lui, ferait économiser 5 milliards par année aux contribuables, 350 $ par année à une famille, 750 $ par employé à une entreprise de taille moyenne.

«Je pense que c’est un bon moment pour que nous démontrions du courage et de l’audace, et pour nous atteler à un peu d’édification de la nation, franchement ; et pour créer un projet national», a déclaré M. Hoskins au cours d’une conférence de presse.

Le régime du Québec

Le Québec a déjà un programme provincial d’assurance médicaments. Mais certains estiment que ce programme, hybride, a mené à l’augmentation des coûts pour les Québécois.

Trois centrales syndicales québécoises ainsi que le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont mené une campagne pour que le régime national à venir soit public et universel.

Le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Daniel Boyer, applaudissait donc sans retenue le rapport de M. Hoskins.

«À première vue, c’est de la musique à nos oreilles», a confié M. Boyer au cours d’une entrevue téléphonique.

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Daniel Boyer

Selon la FTQ, 10% des Québécois se priveraient de médicaments, faute de moyens, malgré l’assurance médicaments québécoise.

«Oui, c’est de juridiction provinciale, oui c’est Québec qui doit décider», convient M. Boyer. Mais il invite le gouvernement québécois à s’engager dans le programme national.

«Québec était une des provinces les plus intéressées dans ce processus», a rapporté M. Hoskins en décrivant les consultations qui ont mené à son rapport.

Il a dit que Québec partageait son objectif de rendre les médicaments prescrits «vraiment accessibles» aux citoyens, chose que, selon lui, le régime québécois ne réussit pas à faire.

Il est convaincu que le modèle qu’il propose respecte le partage des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

«Nous reconnaissons que nous ne pouvons rien imposer aux provinces et aux territoires. Nous voulons travailler avec eux», a réagi la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor.

«Je n’ai pas encore eu ces conversations avec (la ministre Danielle McCann)», a-t-elle précisé.

À sa sortie de la réunion du conseil des ministres québécois, la ministre McCann a manifesté à quel point Québec défend jalousement ses champs de compétence.

«On a toujours dit et on le redit aujourd’hui, la santé, c’est un champ de compétence provincial. C’est sûr qu’on va regarder ça. C’est un rapport. Mais si ça devenait une proposition, on pourrait utiliser notre droit de retrait avec pleine compensation», a-t-elle averti.

Réactions de l’opposition à Ottawa

Le chef conservateur Andrew Scheer n’a pas tardé à rejeter le concept.

«La seule chose que ça veut dire, c’est que les impôts vont être augmentés», a-t-il lancé à la sortie de sa réunion de caucus mercredi après-midi.

«C’est mieux de se concentrer sur les gens qui tombent dans les craques au lieu de mettre en place un nouveau programme de 15 milliards», a-t-il insisté.

«Les gens qui tombent dans les craques, boucher les trous, c’est un peu ce qu’on a fait au Québec depuis 20 ans et on constate au Québec que le régime actuel n’est pas approprié», lui a répondu M. Boyer de la FTQ.

De leur côté, les néo-démocrates ont rappelé, dans un communiqué, leur propre plan «public, universel […] à payeur unique qui couvrira tout le monde au Canada d’ici 2020».

Quant à la conclusion du rapport commandé par le gouvernement libéral, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a dit en Chambre qu’elle date «de plus de 40 ans».

«Le Canada a besoin d’assurance médicaments maintenant», a réclamé M. Singh.

«Nous acceptons le rapport», lui a répondu le premier ministre Justin Trudeau.

«Le rapport est une étape importante envers le plan potentiel d’assurance médicaments nationale», a-t-il assuré.