(Montréal) Trois projets de recherche sur le cancer du sein se partageront un financement de près de 10 millions au cours des trois prochaines années, a annoncé samedi la Société canadienne du cancer (SCC).

Le financement sera fourni par la SCC, par le CQDM (un consortium de recherche biopharmaceutique dont la mission est de financer le développement de technologies et d’outils novateurs afin d’accélérer la découverte et le développement de médicaments plus sûrs et efficaces) et par d’autres partenaires.

Voici un aperçu de ces trois projets.

Imprimante 3D

Le premier projet est celui de la docteure Morag Park, de l’Université McGill, qui souhaite utiliser une imprimante 3D pour reproduire in vitro une tumeur à partir de cellules de patientes atteintes de cancer du sein. Elle recevra 2,2 millions sur deux ans.

« On peut mettre les cellules tumorales de la patiente dans une souris : c’est un bon modèle, mais ce n’est pas idéal, a expliqué le docteur Alain Nepveu, qui pilote un des deux autres projets. Ce qu’on voudrait recréer c’est vraiment la tumeur, avec en plus les autres types de cellules qui infiltrent ou entourent la tumeur, parce que ces cellules-là, qui sont des cellules normales, jouent un rôle aussi, positif ou négatif. »

La docteure Park a été la première à démontrer que la signature d’expression génique des cellules normales peut prédire ce qui va arriver et qu’il y a une interaction entre les cellules normales et les cellules tumorales, a ajouté le docteur Nepveu.

« C’était un résultat spectaculaire et ça a attiré l’attention du monde entier sur, "Oh, c’est plus complexe qu’on pensait, il y a tout un monde-là". Ils essaient de reproduire ça in vitro dans un modèle tridimensionnel », a-t-il dit.

L’équipe de la docteure Morag désire maintenant développer un modèle in vitro en 3D de cancer du sein triple négatif, qui représente 15 à 20 % de tous les cancers du sein. Un cancer « triple négatif » signifie que la tumeur n’exprime pas de récepteur pour l’oestrogène, la progestérone ou le gène HER2, qui sont trois cibles thérapeutiques. Une proportion élevée des cancers HER2 résiste aussi aux traitements spécifiques.

Plus du tiers des femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif ne répondent pas bien au traitement parce que leurs cellules immunes ne parviennent pas à entrer en contact avec les cellules cancéreuses et à les éliminer.

La reconstitution in vitro de la tumeur permettrait de tester différents médicaments pour déterminer lequel serait le plus efficace. À terme, cette technologie pourrait mener à la découverte de nouvelles thérapies ciblées pour en finir avec ces cancers reconnus comme étant parmi les plus agressifs, qui touchent plus fréquemment des femmes jeunes (34 % des cas) et pour lesquels on dispose de peu d’options de traitement.

Intelligence artificielle

Le docteur Mark Basik, de l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif, profitera d’un financement de 1,6 million sur trois ans pour étudier comment on pourrait utiliser l’intelligence artificielle pour prédire le besoin de chimiothérapie des patientes atteintes d’un cancer du sein.

La présence de tumeurs résiduelles chimiorésistantes à la suite d’une chirurgie entraîne le décès de 30 à 40 % des patientes atteintes de cancer du sein triple négatif au cours des cinq années suivant la chirurgie. Or, l’ajout d’une chimiothérapie supplémentaire entraîne une amélioration de la survie chez environ 15 % de ces patientes.

C’est donc dire que, même si ce second traitement est effectué dans l’espoir de réduire les chances de récidive, plus de 50 % des patientes à qui il est administré se porteraient bien sans cette chimiothérapie supplémentaire, et pourraient même ne pas en avoir besoin.

« On a une population de survivants qui se plaignent des effets secondaires (de la chimiothérapie), et ça c’est un progrès, a dit le docteur Nepveu. Dans les années 1990, quand vous surviviez, vous ne vous plaigniez pas. Mais aujourd’hui la population de survivants nous dit quels sont ses problèmes. […] Si on peut trouver des traitements qui sont plus doux, ou éviter des traitements inutiles, alors c’est un progrès. »

Mais il y a toujours une marge d’incertitude, et tout n’est pas toujours noir et blanc. C’est là qu’intervient l’équipe du docteur Basik, qui propose d’utiliser la puissance de l’intelligence artificielle pour déterminer avec une très grande précision, à partir d’échantillons sanguins et tumoraux, si un traitement de chimiothérapie supplémentaire sera inutile, évitant ainsi à celles qui peuvent l’éviter une exposition à la toxicité associée à ces traitements.

Nouveaux médicaments

Le docteur Nepveu, de McGill, et son collègue Michael Witcher, de l’Institut Lady Davis, pilotent quant à eux un projet pour développer de nouveaux médicaments contre les cancers du sein difficiles à traiter. Ils recevront 6,1 millions sur trois ans.

« Le but de la recherche est d’identifier des cibles thérapeutiques, c’est à dire des protéines qui sont essentielles à la survie des cellules cancéreuses, mais dont les cellules normales peuvent se passer », a expliqué le docteur Nepveu.

Les équipes des docteurs Nepveu et Witcher ont identifié et validé deux cibles thérapeutiques impliquées dans des aspects essentiels de la réparation de l’ADN, contre lesquelles il est possible de développer des médicaments. En d’autres mots, les chercheurs essaient de trouver des composés qui empêcheraient les tumeurs de réparer les dommages subis par leur ADN, ce à quoi elles excellent.

Des composés prometteurs seront maintenant validés et soumis à plusieurs rondes de modifications afin de les améliorer. Les meilleurs composés seront testés en milieu préclinique sur des cellules tumorales et des cellules normales, et des biomarqueurs seront développés afin de vérifier leur efficacité.

Ces marqueurs pourront aussi être utilisés pour sélectionner les patientes admissibles aux études cliniques de ces nouveaux composés et éventuellement bénéficier de ces nouveaux traitements ciblés, avec pour objectif ultime de meilleures chances de rémission.