La dépression post-partum se manifeste aussi chez le père, mais le problème demeure mal connu et risque de passer sous le radar, prévient une nouvelle étude britannique.

Des chercheurs de l’Université Anglia Ruskin rapportent dans le Journal of Mental Health que seulement 76 % des quelque 400 participants à leur recherche ont réalisé que quelque chose clochait avec le papa après avoir pris connaissance de ses symptômes, contre 97 % pour la maman.

De manière encore plus pointue, 90 % des sujets ont reconnu que la maman souffrait d’une dépression post-partum, mais seulement 46 % d’entre eux en sont venus à cette conclusion dans le cas du papa.

21 % des participants ont estimé que l’homme était simplement fatigué, contre un minime 0,5 % pour la femme.

Le problème est pourtant plus répandu qu’on ne le croit.

« Environ 10 % des papas auront une dépression avant que le bébé ait un an, a rappelé la docteure Anabel Carmel, qui rejoindra prochainement l’équipe du CHU Sainte-Justine. Mais quand la maman a une dépression post-partum, le risque du papa augmente à 50 %, selon certaines études. »

Il se pourrait toutefois très bien que ce 10 % ne soit que la pointe de l’iceberg.

« En médecine […], c’est clair qu’on trouve ce qu’on cherche, a souligné la docteure Carmel. La dépression post-partum chez le papa, c’est quelque chose qu’on commence à reconnaître, qui devient de plus en plus d’actualité, mais qui n’est pas nécessairement un phénomène reconnu pour lequel on fait un dépistage de manière commune. »

Plus connu chez la femme

La mère recevra des soins pendant toute sa grossesse et profitera donc un peu d’un suivi par défaut à ce sujet. Plusieurs questions seront posées au sujet de sa santé mentale, puisque les équipes d’obstétriques sont très sensibilisées au problème de la dépression post-partum chez la femme.

Il n’en va pas de même pour le père.

« Dans les études, plusieurs pères mentionnent que leur présence est parfois ignorée quand ils sont aux rendez-vous, ou alors on ne posera pas de questions par rapport au papa en tant que tel, donc c’est facile de passer à côté », a dit la docteure Carmel.

Le père et la mère vivront la transition vers la parentalité de manière bien différente. La mère a grandi avec le bébé et a vu son corps se transformer. Pour le père, la transition est beaucoup moins concrète. Il devra se forger une nouvelle identité et assumer un nouveau rôle masculin, avec plus ou moins de temps pour se préparer et plus ou moins d’expérience pour le faire.

« Parfois les papas peuvent vivre beaucoup d’impuissance dans cette transition-là, qui peut même être traumatique quand on pense à des grossesses qui sont compliquées, des accouchements qui sont compliqués, a expliqué la docteure Carmel. Ils peuvent être confrontés à leur impuissance, à leur ignorance, ils ont de la misère à communiquer leur vécu à l’équipe […] ou même à leur partenaire. Ça transforme vraiment leur vie au niveau du couple, au niveau personnel, au niveau professionnel, et les attentes et la réalité ne se rejoignent pas toujours. »

Les symptômes de base de la dépression post-partum chez le père — comme un manque de motivation ou de plaisir — pourront être similaires à ceux de la mère.

Mais chez le père, prévient la docteure Carmel, il pourra aussi y avoir des expressions particulières qui ne seront pas nécessairement reconnues comme étant des manifestations de la dépression.

« Dans les études, on voit que plusieurs pères expriment de la fatigue, beaucoup d’irritabilité, de colère… Il y a un risque plus élevé de consommation d’alcool, de drogue. Il peut aussi y avoir un certain évitement sur le plan affectif par le père », a-t-elle dit.

Les premiers mois avec un bébé ne sont souvent pas faciles et sont fréquemment marqués par un manque de sommeil et beaucoup de stress, et il faut en être conscient, a-t-elle ajouté.

« Un autre message important est de valoriser le rôle unique du papa et ne pas l’ignorer quand il est présent », a-t-elle lancé en conclusion.