(Montréal) Près d’un adolescent sur cinq serait vulnérable au développement d’une cyberdépendance et les cas se multiplient au Québec comme ailleurs dans le monde, affirme un intervenant spécialisé en la matière. Au moment où l’industrie du jeu vidéo développe des tactiques empruntées aux casinos, il est temps de se pencher sur le problème, fait-il valoir.

Miguel Therriault est coordonnateur des services professionnels du réseau Le Grand Chemin. Cet organisme à but non lucratif vient en aide aux adolescents aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de cyberdépendance.

L’expert a offert samedi une conférence aux étudiants en médecine réunis dans le cadre du Colloque de santé mondiale organisé par la section québécoise de la Fédération internationale des associations étudiantes en médecine (IFMSA-Québec).

Selon lui, le désinvestissement de la vie hors ligne devrait être un important signal d’alarme pour un parent dont l’adolescent se passionne pour les jeux vidéo en ligne, où s’il passe de nombreuses heures sur les réseaux sociaux.

« À partir du moment où notre enfant abandonne des activités qui étaient saines, qu’il diminue la qualité ou le temps de relation avec ses pairs hors ligne, il est là le signal », souligne le conférencier.

L’adolescence est parsemée d’un enchaînement de premières fois en socialisation. La première fois où l’on peut sortir seul de la cour d’école, la première fois où l’on va au restaurant sans ses parents, la première fois où l’on passe une entrevue pour décrocher un emploi, la première fois où l’on va tomber amoureux et embrasser quelqu’un, énumère l’expert qui traite des jeunes précisément en cyberdépendance depuis 2013.

« Si on n’a pas la chance de vivre ces expériences parce qu’on est en ligne, ce sont des compétences sociales qui ne sont pas acquises », prévient-il.

S’il n’existe pas de temps idéal d’utilisation d’Internet et des technologies, il y a tout de même un parallèle à faire avec les stades de développement de l’enfant.

Par exemple, selon le psychiatre français Serge Tisseron, les enfants ne devraient pas avoir accès aux jeux vidéo avant l’âge de six ans, puis devraient avoir au moins neuf ans pour utiliser librement Internet et finalement atteindre 12 ans pour accéder aux réseaux sociaux.

« C’est tout simplement un regard compétent sur le développement qui devrait susciter une réflexion chez le parent, précise M. Therriault. L’utilisation saine d’Internet va se définir par un équilibre de vie dans lequel j’ai plusieurs moyens que je peux utiliser pour combler mes besoins de reconnaissance, de sécurité, d’estime de soi. »

De plus en plus de cas

Comme plusieurs dépendances, le jeu en ligne ou les réseaux sociaux deviennent souvent un refuge pour combler un manque, mais dans le cas de cette industrie interactive, on ne peut ignorer qu’elle porte une part du blâme.

« Le marché du jeu a une responsabilité dans sa monétisation du jeu. De plus en plus, les concepteurs empruntent des tournures qui sont propres au jeu de hasard et d’argent pour amener la personne à dépenser. Il ne faut pas oublier qui a un facteur social et que cet objet-là vient exploiter les gens », décrit l’intervenant.

Cette nouvelle réalité n’a rien de rassurant, surtout lorsque l’on sait que la demande est déjà grandissante pour des obtenir de l’aide contre la cyberdépendance.

« Il y avait une demande, alors qu’il n’y avait même pas encore d’offre de service. Jusqu’en juillet dernier, ça ne faisait même pas partie de la mission des services de santé au Québec », note M. Therriault en ajoutant que ce n’est pas toutes les régions qui y ont accès.

« Il faut s’y attaquer parce que les conséquences sur les adolescents sont très importantes. Ils vont avoir des idées suicidaires, ils vont décrocher de l’école parce qu’ils n’ont pas du tout investi dans leur vie hors ligne », mentionne-t-il.

Les symptômes associés à une véritable dépendance maladive sont notamment l’obsession de devoir toujours être « en ligne », puis la perte de sommeil, l’isolement et une euphorie suscitée par la reconnexion.

Celui-ci invite les parents à ne pas hésiter à s’adresser aux services de proximité dans leur région comme leur CLSC. Même s’il n’y a pas de ressources spécialisées disponibles, le simple geste de demander de l’aide va avoir un impact positif sur le problème.

Futurs médecins et santé mentale

Pour son grand rendez-vous annuel, l’IFMSA-Québec a choisi d’orienter son Colloque de santé mondiale, tenu samedi à l’Université de Montréal, autour de la santé mentale. Un thème apparu tout naturellement selon la présidente de l’organisme, Roxane St-Pierre-Alain.

« C’est premièrement un enjeu très important au sein de la communauté médicale. On le sait, il y a plus de “burn-out”, plus de dépressions au sein des étudiants, mais aussi des professionnels de la santé », souligne-t-elle en ajoutant que le climat dans le système de santé québécois « n’est vraiment pas optimal ».

Dès leur entrée en faculté de médecine, les futurs médecins sont invités à prendre soin de leur santé mentale en préservant l’équilibre dans leur vie. « Au jour 1 ou au jour 2, on nous dit : “Gardez un bel équilibre de vie. Gardez-vous des loisirs. Gardez-vous du temps pour vous », rapporte Mme St-Pierre-Alain.

Un judicieux conseil que ces jeunes adultes apprennent rapidement à apprécier. « Plus on avance dans le programme, plus on se rend compte que c’est important ce petit conseil si simple », reconnaît l’étudiante de l’Université de Sherbrooke.

En plus de veiller à leur propre hygiène psychologique, les futurs médecins s’impliquent dans des projets de prévention auprès de la population. L’un de ces projets, nommé OSMOSE, vise à sensibiliser les adolescents les plus vulnérables.

Tout au long de la journée, le public formé principalement d’étudiants des facultés de médecine du Québec et de Moncton au Nouveau-Brunswick a assisté à diverses conférences liant les troubles de santé mentale à l’actualité.

Comme il s’agit du Colloque de santé mondiale, les organisateurs abordent un volet international en se penchant sur l’impact du changement climatique sur la santé mentale ainsi que sur les problèmes particuliers des communautés culturelles.