D’ici 2042, le nombre de nouveaux cas de cancers attribuables à un excès de poids passera de 7200 à 21 000 au Canada. L’excès de poids deviendra ainsi la deuxième cause du cancer après le tabagisme, révèle une nouvelle étude menée par la Société canadienne du cancer et publiée aujourd’hui dans Preventive Medicine.

L’étude de ComPaRe, « Canadian Population Attributable Risk of Cancer » (risque attribuable du cancer chez la population canadienne), a été menée par la Société canadienne du cancer en collaboration avec une équipe pancanadienne d’experts. L’étude a estimé les fardeaux actuels et futurs de plus de 30 types de cancers causés par plus de 20 facteurs de risque. Selon l’analyse, 4 cas de cancer sur 10 peuvent être prévenus, soit environ 70 200 cas par année au pays. « On ne peut plus douter que le mode de vie a un impact sur le taux de cancer », souligne le porte-parole de la Société canadienne du cancer, André Beaulieu.

PHOTO JONATHAN HAYWARD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le tabagisme est actuellement la principale cause évitable de cancer.

Tabac, fruits et soleil

Pour l’instant, les cinq principales causes évitables du cancer sont, dans l’ordre, le tabagisme, l’inactivité physique, l’excès de poids, la faible consommation de fruits et le soleil. « Mais pour la première fois, on a montré que l’excès de poids deviendra sous peu la deuxième cause du cancer », affirme le Dr Eduardo Franco, chef du département d’oncologie à la faculté de médecine de l’Université McGill et professeur au département d’oncologie et d’épidémiologie, qui a participé à l’étude. « Auparavant, le tabagisme était LA cause sur laquelle on travaillait pour diminuer les cas de cancer. Mais actuellement, le tabagisme est en baisse. Et on voit qu’on devra travailler aussi ailleurs, notamment sur l’excès de poids, l’activité physique et l’alimentation », ajoute M. Beaulieu.

Les risques de l’obésité

Actuellement, plus d’un Canadien adulte sur deux présente un excès de poids. L’excès de poids inclut les personnes souffrant d’embonpoint et d’obésité, soit celles présentant un indice de masse corporelle d’au moins 25 kg/m2. Ces personnes sont plus à risque de développer au moins 13 types de cancer différents, dont le cancer du sein, le cancer colorectal, le cancer de l’endomètre et le cancer de l’œsophage. Le Dr Franco explique que l’obésité agit un peu comme un « précurseur de stimulation hormonale » et que plusieurs cancers sont justement sensibles aux hormones. « Donc les personnes obèses sont plus à risque de développer un cancer », dit-il.

PHOTO LEAH NASH, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

La Société canadienne du cancer souligne que les « causes de l’obésité sont complexes et regroupent des facteurs sociaux, économiques, physiologiques, environnementaux et politiques ».

Prévenir l’obésité, une mission complexe

La Société canadienne du cancer précise que les « causes de l’obésité sont complexes et regroupent des facteurs sociaux, économiques, physiologiques, environnementaux et politiques ». Et, donc, qu’« aucune politique unique ne permettra d’endiguer d’elle-même l’augmentation de l’incidence de l’embonpoint et de l’obésité au Canada ». « Ça prend une approche multifactorielle », résume le Dr Franco. Ce dernier espère que l’étude incitera les autorités de santé publique à cibler leurs investissements en recherche afin de mieux guider la prévention.

Le cancer de la prostate, difficile à prévenir

Certains cancers sont plus facilement évitables que d’autres, révèle l’étude. Par exemple, 100 % des cancers du col de l’utérus peuvent être évités en grande partie grâce aux vaccins contre le VPH, explique la Société canadienne du cancer. « On peut même penser un jour éradiquer ce cancer. Mais il y a encore beaucoup à faire. Entre autres parce que la couverture vaccinale n’est pas encore complète », explique le Dr Franco. Les autres cancers les plus facilement évitables sont les cancers du poumon (86 %), les cancers de la tête et du cou (75 %), les cancers de l’estomac (71 %) et les mélanomes (65 %). Au contraire, seulement 4 % des cancers de la prostate peuvent être évités.

En 2015

70 200: nombre de cas de cancer qui auraient pu être évités au Canada Cancer du poumon : 21 600 cas Cancer colorectal : 10 300 cas Cancer du sein : 7000 cas

Pas juste un choix individuel

Bouger plus et passer moins de temps assis, maintenir un poids santé, ne pas fumer… Même si la prévention du cancer passe par des choix individuels, les autorités doivent se sentir interpellées par le sujet, selon M. Beaulieu. « Oui, il faut agir sur nos choix de vie individuels. Mais comme société, on doit mettre en place des lois et des incitatifs pour amener les gens à adopter ces habitudes de vie », dit-il. M. Beaulieu souligne entre autres que les personnes à faibles revenus n’ont par exemple pas toujours les moyens d’acheter des fruits et légumes frais. « La population se préoccupe beaucoup des traitements du cancer. Mais on voit ici que beaucoup peut être fait pour prévenir le cancer […]. Cette prévention doit devenir une préoccupation importante pour la société », martèle le Dr Franco.