Après les travailleurs de rue… les travailleurs de rang.

Ces travailleurs de rang ont une mission différente : ils viennent en aide aux producteurs agricoles qui éprouvent de la détresse, de l’angoisse, qui souffrent d’isolement.

Les travailleurs de rang sont tous diplômés en travail social et ils proviennent du milieu agricole — parce qu’il faut bien connaître ce milieu particulier, a expliqué Jaclin Bisaillon, président de l’organisme Au cœur des familles agricoles, qui est à la base de ce projet.

Cette ressource est issue d’un partenariat entre Au cœur des familles agricoles, l’Union des producteurs agricoles et des Municipalités régionales de comté, qui veulent avoir de tels travailleurs de rang chez elles.

Pour le moment, il existe six travailleurs de rang : au Saguenay-Lac Saint-Jean, en Montérégie, en Mauricie, dans les Cantons de l’Est, dans le Centre-du-Québec et dans le Bas-Saint-Laurent–Gaspésie. Deux autres travailleurs de rang qui ne sont pas sous l’égide d’Au cœur des familles agricoles, mais qui y sont formés œuvrent aussi dans les Laurentides et l’Abitibi, a précisé M. Bisaillon.

Le financement provient à 75 % des partenaires et le ministère de la Santé et des Services sociaux assure 25 %. Des dons sont aussi versés à l’organisme par la Coop fédérée et par le Centre d’insémination artificielle, a précisé M. Bisaillon.

« Souvent, il se promène dans les rangs ; il arrête chez les producteurs. Il se présente, donne sa carte d’affaires, tout simplement comme ça, et dit “voici, ça existe et c’est gratuit pour vous”. On a un service d’aide, d’accompagnement, de suivi aussi. Parfois il y a des cas très lourds, alors on a une maison de répit provincial à Saint-Hyacinthe, où les producteurs peuvent venir de se reposer », a relaté M. Bisaillon.

Durant l’année 2018 seulement, le groupe a reçu 1600 appels d’aide — pour 40 000 producteurs agricoles au Québec.

« C’est énorme. Et on est très fier de voir qu’on peut aider. Lorsqu’un travailleur de rang rencontre un producteur agricole, ce n’est pas un rendez-vous d’une heure. C’est le temps que la crise passe. Ça peut être une journée, deux heures. C’est le travailleur qui va décider, quand il sent qu’il y a une sécurité et que (le producteur) va bien et qu’il respire mieux », a expliqué M. Bisaillon.

Et, contrairement à bien des groupes qui font de la relation d’aide, ce sont majoritairement des hommes qui appellent, soit 54 %.

Cette initiative des travailleurs de rang est l’un des exemples donnés lors du lancement de la Semaine de la santé mentale. Au cours d’une conférence de presse à Montréal, lundi, on y a donné différents exemples de projets pour améliorer la santé mentale des étudiants dans les cégeps, des plus jeunes, des employés dans les milieux de travail.

Milieu de travail et autres

Mario Messier, directeur scientifique au Groupe Entreprises en santé et chargé de cours en promotion de la santé en milieu de travail, dit vouloir « faire en sorte que les milieux de travail deviennent des milieux générateurs de santé, non pas des milieux générateurs de maladies ».

Lui qui a commencé sa carrière comme médecin de famille, avant de bifurquer vers la santé au travail, relate que quand il a commencé sa carrière, « ce que je voyais surtout dans les milieux de travail, c’était des maux de dos ». Mais aujourd’hui, « c’est surtout des gens qui en ont plein le dos ».

Les problèmes de santé mentale en milieu de travail au Canada, « on dit que c’est 30 à 40 % des arrêts de travail et des invalidités courts et longs termes », a-t-il relevé.

Renée Ouimet, directrice du Mouvement santé mentale du Québec, rappelle que la santé mentale a traditionnellement été moins financée que la santé physique.

Et elle souligne qu’après les inondations, par exemple, les sinistrés vivront encore de la détresse psychologique, lorsque les journalistes et les décideurs politiques quitteront les lieux.