Toujours aux prises avec des problèmes de violence dans son unité de psychiatrie, la Cité-de-la-Santé de Laval n’y accueille plus, depuis la fin du mois de mars, de médecins résidents, d’externes ou d’étudiants en stage, a appris La Presse.

À la suite de l’agression d’une psychiatre par une patiente en mars, les membres du service de psychiatrie de la Cité-de-la-Santé ont décidé de ne plus accueillir de stagiaires ou de résidents « étant donné l’enjeu de sécurité », peut-on lire dans un compte rendu de réunion daté du 27 mars 2019 et obtenu par La Presse. Aucun détail sur l’agression n’est donné. Mais on peut lire qu’il s’agit du « troisième évènement grave de la sorte qui se produit en 18-24 mois ».

Le document révèle que les 20 psychiatres de l’unité ont discuté du fait qu’ils ne souhaitent plus « admettre des cas de ce genre sur les unités d’hospitalisation en psychiatrie tant que des mesures de sécurité adéquates ne sont pas prises ». « Le personnel infirmier semble de moins en moins formé », est-il aussi écrit. Notant que le nouveau personnel ne reçoit pas de formation spécialisée en santé mentale durant le premier mois, les psychiatres écrivrent :

« Nous ne pouvons malheureusement pas faire confiance au personnel infirmier, ni aux agents de sécurité, ceux-ci n’étant pas suffisamment ou pas formés pour interagir avec de la clientèle en santé mentale. »

— Extrait du compte rendu d’une réunion des psychiatres

« Nous craignons pour notre propre sécurité », écrivent les membres du service de psychiatrie, qui ont décidé de suspendre les stages sur les unités d’hospitalisation.

Carole Ladouceur, directrice des programmes de santé mentale et de dépendances au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval, confirme que les stages sont suspendus à l’unité de psychiatrie « le temps de soutenir un peu plus les mesures » pour améliorer la sécurité. Mais, selon elle, plusieurs mesures ont déjà été mises en place pour améliorer la sécurité des lieux de travail, et le retour des stages est prévu pour le mois de juin.

UN PROBLÈME QUI PERDURE

Dans un article publié il y a un an, La Presse a révélé l’existence des problèmes de violence à l’unité de psychiatrie de la Cité-de-la-Santé de Laval. 

> Lisez l'article « Danger : patients violents à la Cité-de-la-Santé de Laval »

Dérek Cyr, vice-président responsable de la santé et de la sécurité au travail au Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (SIIIAL-CSQ), affirme que la violence perdure, et ce, même si un comité paritaire a été mis sur pied pour résoudre la problématique il y a deux ans. « Le problème le plus criant reste les lieux physiques. On demande plusieurs choses pour améliorer la sécurité du personnel, mais rien ne bouge […] On se fait toujours dire qu’il n’y a pas d’argent et que des travaux majeurs seront faits en 2020. Mais pendant ce temps, la violence continue », déplore M. Cyr.

Ce dernier soutient que la formation du personnel reste incomplète alors que plusieurs membres des équipes volantes, appelés à venir remplacer en psychiatrie, ne sont toujours pas formés à la méthode « Oméga » – une formation de quatre jours permettant d’intervenir en santé mentale.

Selon M. Cyr, la clientèle hospitalisée en psychiatrie à la Cité-de-la-Santé est de plus en plus lourde et violente.

« On voit de plus en plus d’étranglements, de voies de fait, de gens qui crachent, qui urinent… On reçoit parfois des patients qui sont des détenus. On n’est pas formés pour ça. »

— Dérek Cyr, vice-président responsable de la santé et de la sécurité au travail au SIIIAL-CSQ

Devant la dangerosité du milieu de travail, huit infirmières de soir ont quitté leur poste au cours des six derniers mois, selon M. Cyr, qui estime que la bonne volonté de plusieurs gestionnaires est là, mais que les solutions se font toujours attendre. « Les gens ont peur », dit-il.

LES AMÉLIORATIONS SONT LÀ, RÉPLIQUE LA DIRECTION

Julie Lamarche, directrice des ressources humaines, des communications et des affaires juridiques au CISSS de Laval, affirme que depuis deux ans, plusieurs mesures ont été prises pour corriger les problèmes de violence à l’unité de psychiatrie et que plusieurs portent leurs fruits. Alors que 54 agressions avaient été recensées en 2017-2018, on en dénombre 44 en 2018-2019. Le nombre d’arrêts de travail est aussi passé de 10 à 3.

La totalité du personnel habituel du service de psychiatrie a reçu la formation Oméga. Plusieurs changements ont été apportés aux lieux, notamment l’installation de vitres incassables au poste des infirmières, l’installation de portes pleines en acier et l’élargissement des portes des salles d’isolement. Ces améliorations ont été constatées dans un rapport de la CNESST daté du 11 mars dernier.

Alors que le nombre de codes blancs, soit les appels de renforts faits en contexte de violence, est en hausse à l’unité de psychiatrie, le nombre d’agressions est en baisse. Cela montre que « l’amélioration des pratiques, la formation des employés et l’aménagement des locaux » permettent d’améliorer la situation, selon le CISSS de Laval.

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Nombre de codes blancs à l’unité de psychiatrie de la Cité-de-la-Santé de Laval

2016-2017 : 69

2017-2018 : 179

2018-2019 : 232

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Pourquoi les psychiatres et le personnel ne ressentent-ils pas ces améliorations ? « On a augmenté le nombre de postes. Il y a des infirmières formées, mais moins expérimentées, ce qui peut jouer sur les perceptions des psychiatres », avance Mme Lamarche. L’embauche d’agents d’intervention, plutôt que le recours à des agents de sécurité, est prévue prochainement. « Ces agents d’intervention vont pouvoir intervenir plus avec les usagers et feront partie intégrante des équipes […] On fait les bonnes choses. Mais on est en train de voir ce qu’on peut faire pour rassurer encore plus notre personnel », affirme Mme Lamarche.