(Montréal) Parce qu’ils ont peur pour leurs futurs patients, une grande coalition de médecins lance cet avertissement : les changements climatiques constituent la plus grande menace pour la santé des Québécois.

Constatant dans leurs propres urgences les effets du réchauffement du climat et toutes ses conséquences médicales, ils déclenchent un « Code Bleu » : « celui qu’on crie quand un patient est en arrêt cardiaque », a expliqué Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin résidente en médecine familiale et porte-parole de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME).

L’ACME a organisé une conférence de presse mardi matin à Montréal, avec une longue liste d’organisations de professionnels de la santé, pour appeler les citoyens à se mobiliser contre les changements climatiques.

L’inquiétude de ces médecins et infirmières repose en partie sur ces constats : au Canada, la pollution atmosphérique est responsable annuellement de plus de 14 000 décès et 20 000 Québécois perdront la vie d’ici 50 ans en raison des changements climatiques, peut-on lire dans leur communiqué. Mais au-delà des chiffres, ils voient déjà les conséquences dans les salles d’urgence québécoises.

Le docteur Jean Zigby est un omnipraticien qui travaille aux soins palliatifs avec des patients très fragiles. Il rapporte que « beaucoup d’entre eux voient leurs conditions exacerbées par la pollution ».

La chaleur est aussi montrée du doigt.

« Il y a 30 ans, il n’y avait pas de décès à cause de vagues de chaleur, dit Éric Notebaert, urgentologue et vice-président de l’ACME. Les personnes âgées sont particulièrement affectées, subissant des défaillances diversifiées. Certaines en meurent et ça met un stress sur les salles d’urgence l’été. »

Pour ces médecins, le lien entre le changement climatique et la santé est clair : la population devra faire face à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, des insectes responsables de divers problèmes comme la maladie de Lyme voient leur territoire décupler avec le réchauffement du climat — et atteindre nos régions — et la pollution est responsable de crises d’asthme et d’autres problèmes cardiorespiratoires. Les inondations causent un stress mental immense pour les sinistrés et elles causent des moisissures et des champignons qui sont nuisibles pour la santé.

« On le voit surtout dans les événements météorologiques extrêmes où c’est plus marquant, durant les vagues de chaleur notamment. L’été dernier au Québec, il y a eu 86 décès en excès qui n’auraient pas dû arriver », dit la docteure Pétrin-Desrosiers.

Ces professionnels de la santé invitent les Québécois à faire pression sur les élus pour demander des changements rapides, tels que la réduction de la dépendance au pétrole, le refus de projets d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures, une transition vers le transport collectif et le transport actif ainsi que l’accélération du verdissement des villes.

De telles actions vont diminuer les visites à l’urgence des hôpitaux, les hospitalisations et les maladies chroniques, font-ils valoir.

« Les politiques de lutte contre les changements climatiques, ce sont des politiques de santé », insiste la docteure Pétrin-Desrosiers.

Interrogée mardi au sujet des canicules, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a souligné avoir fait le tour des centres d’hébergement pour personnes âgées, car celles-ci sont particulièrement vulnérables aux grandes chaleurs.

Elle soutient que son ministère s’est assuré que la majorité des CHSLD situés dans les zones les plus chaudes du Québec possèdent des endroits climatisés où les résidants peuvent aller se rafraîchir. La climatisation n’est pas forcément dans les chambres, dit-elle, mais dans des aires communes comme des salons ou des salles à dîner.

Ces médecins et professionnels de la santé seront aussi de la grande manifestation de la semaine de la Terre qui aura lieu samedi prochain et ils invitent les Québécois à se joindre à eux.