Des dizaines de places dans des résidences privées pour aînés de Montréal sont achetées par le réseau de la santé afin de libérer des lits d’hôpitaux et d’y confier des aînés dont la condition est parfois très lourde. Des « CHSLD privés », dénonce un rapport produit pour le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et obtenu par La Presse.

Dans le document daté du 9 janvier 2017, l’équipe de certification du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal évoque l’existence de ces ententes qui, s’inquiètent les auteurs, ne permettent pas toujours de bien répondre aux besoins des aînés.

Selon le document portant le titre État de situation, en achetant des places dans des résidences privées pour aînés, le réseau de la santé veut libérer des lits d’hôpitaux « occupés par des individus en attente d’une place d’hébergement dans un CHSLD ou une ressource intermédiaire », soit des établissements qui hébergent des personnes âgées en perte d’autonomie modérée.

En tout, 212 résidences privées pour aînés possèdent ce genre d’entente actuellement au Québec, confirme le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

C’est ce genre d’entente qui avait été conclue entre le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal et la résidence Bellerive de 2013 à janvier 2019. Dans un dossier publié hier, La Presse révélait que même si la résidence Bellerive avait fait l’objet de trois rapports soulevant de nombreuses lacunes quant à la qualité des soins offerts et la sécurité des résidants, des mois se sont écoulés avant qu’on ne retire les personnes âgées qui y avaient été confiées par le réseau.

Manque de personnel

Dans le rapport de l’équipe de certification, on peut lire que « la sécurité de la clientèle dont tous reconnaissent la lourdeur sans cesse croissante, est confiée de plus en plus fréquemment à des entreprises privées qui n’ont souvent ni le personnel compétent et en nombre suffisant pour répondre aux besoins de la clientèle que le réseau lui confie ». On note que pour suppléer à ce déficit, des CIUSSS vont jusqu’à « envoyer à temps partiel leur personnel au sein de la résidence pour offrir, du moins en partie, les services requis par l’état de santé du résident qui est sous son égide ».

Les auteurs du rapport dénoncent ce qu’ils appellent des « CHSLD privés qui s’abritent derrière l’appellation de résidence privée pour aînés afin d’éviter les contraintes légales et professionnelles propres à ce type de mission ».

Parce que les CIUSSS doivent « répondre à des besoins sans cesse croissants à l’intérieur de budgets de plus en plus restreints », le nombre de places achetées par le réseau dans des résidences privées pour aînés est en hausse, selon les auteurs.

Dans un recensement informel, ils notent qu’en 2017, 123 places étaient ainsi achetées dans des résidences privées de l’île de Montréal.

Au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, 87 lits sont par exemple toujours achetés à la résidence Lev-Tov, une résidence privée pour personnes âgées, confirme le porte-parole, Carl Thériault. « Cette entente est toujours en vigueur jusqu’à l’ouverture d’une nouvelle ressource intermédiaire sur notre territoire à l’été 2019 », explique M. Thériault.

Le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal fournit différents services, dont les soins infirmiers, aux aînés hébergés à la résidence Lev-Tov. Les préposés aux bénéficiaires sont des employés de la résidence en question.

Pas de chiffres au Québec

Au ministère de la Santé et des Services sociaux, on mentionne que 212 résidences privées pour aînés possèdent ce genre d’entente dans la province. Un chiffre pratiquement stable depuis cinq ans.

On explique que c’est la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) « qui encadre les droits des établissements publics de santé de signer des ententes pour faire dispenser des services par un partenaire hors établissement, comme une résidence pour personnes âgées ».

« Il n’y a pas de directive ministérielle qui vient apporter des précisions à cet effet. Il n’y a pas d’orientation ministérielle à l’effet qu’un usager qui habite dans une résidence pour personnes âgées doit correspondre à un profil en particulier. »

— Noémie Vanheuverzwijn, porte-parole du MSSS

Selon le MSSS, « il est faux de dire que certaines résidences privées pour aînés (RPA) sont en fait des CHSLD privés qui s’abritent derrière l’appellation RPA pour éviter les contraintes légales et professionnelles ». Le MSSS affirme que les résidences privées pour aînés doivent se soumettre à des « exigences législatives très élevées », dont la certification.

Que « si l’exploitant constate que son offre de service dépasse les besoins d’un résident, il a la responsabilité d’en aviser le CISSS du territoire où est située la résidence, afin que ce dernier puisse apporter le soutien nécessaire. »

Les résidences privées doivent « être en mesure de répondre aux besoins du résident et détenir le personnel requis et qualifié », dit le MSSS, qui ajoute que « dans le cas contraire, c’est le CISSS, par le soutien à domicile qui s’assure de fournir les autres services et soins requis ».

Au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, on explique que l’équipe de certification, qui a signé le rapport obtenu par La Presse, a été dissoute. Depuis le 1er avril, le mandat de veiller à la conformité des résidences privées pour aînés de la métropole a été redirigé vers chaque CIUSSS de la ville. On a donc été incapable de commenter le rapport, si ce n’est pour spécifier que le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal ne possède pas ce genre d’entente.