Excédées par les heures supplémentaires obligatoires, les infirmières du Québec refuseront collectivement d'en faire lundi prochain.

Et cela pourrait bien n'être que la première journée d'une série, a prévenu mardi la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé, Nancy Bédard, au cours d'une conférence de presse à Montréal, en compagnie de plusieurs présidentes de syndicats de professionnelles en soins affiliés à la FIQ.

Ce 8 avril sera une «Journée nationale sans heures supplémentaires obligatoires», a lancé la présidente du syndicat de 76 000 infirmières, infirmières auxiliaires et autres professionnelles en soins.

Mme Bédard rapporte que ses membres en ont assez des engagements publics des ministres de la Santé - Danielle McCann et Gaétan Barrette avant elle - qui ne se rendent pas jusqu'aux gestionnaires d'établissements à la base. «Ce qu'on demande, c'est plus que des engagements et des souhaits», s'est exclamée Mme Bédard.

Le fameux Temps supplémentaire obligatoire ou TSO est encore le lot de trop nombreuses infirmières et, dans certains cas, les gestionnaires vont jusqu'à confectionner des horaires en y prévoyant à l'avance des quarts de travail avec des heures supplémentaires obligatoires, a rapporté Mme Bédard.

Droit du travail

Reste que le Code du travail interdit à une association de salariés d'encourager ou d'appuyer «un ralentissement d'activités» lorsque la convention collective est encore en vigueur. Et celle qui lie la FIQ et le gouvernement du Québec est en vigueur jusqu'en 2020.

De plus, un jugement du défunt Conseil des services essentiels datant de 1998 avait précisément interdit aux infirmières de refuser de faire des heures supplémentaires lorsque leur convention collective était encore en vigueur. Le Conseil avait alors ordonné aux syndicats de «prendre toutes les mesures nécessaires afin que le mot d'ordre de refuser d'effectuer du travail en heures supplémentaires soit retiré et que le refus concerté d'effectuer du travail en heures supplémentaires cesse, et ce, jusqu'à ce que les syndicats aient acquis le droit d'exercer légalement la grève».

Le Conseil avait alors jugé que le refus concerté de faire des heures supplémentaires de la part des infirmières «est vraisemblablement susceptible de porter préjudice à un service auquel la population a droit. Il est en preuve que cette action concertée a entraîné et entraînera notamment, si elle persiste, la fermeture de lits, le report d'interventions chirurgicales», entre autres.

Dans un passé plus récent, des infirmières ont déjà été victimes de sanctions de la part de leur employeur pour avoir ainsi refusé de faire des heures supplémentaires obligatoires.

«Une journée normale»

Interrogée à ce sujet, Mme Bédard a assuré que la FIQ était prête à affronter la tempête si ses membres étaient victimes de sanction de la part d'un employeur mécontent de ne pouvoir contraindre ainsi une infirmière.

«Ce qu'on demande, c'est une journée normale de travail. Comment on pourrait nous donner des mesures de représailles pour demander d'avoir une journée normale de travail ? Il y a des patrons qui tentent de faire peur aux gens, effectivement, et de leur donner des mesures disciplinaires», a concédé Mme Bédard.

Elle a souligné que même les ordres professionnels ont adressé des messages aux employeurs, depuis quelques mois, leur rappelant que le recours aux heures supplémentaires obligatoires devait n'être qu'une «mesure d'exception et d'urgence et ce n'est pas le cas actuellement».

La ministre réplique

À Québec, la ministre McCann s'est une fois de plus engagée à mettre fin au fameux TSO durant son mandat. «C'est un engagement ferme. Nous ajoutons dès cette année 200 millions afin d'embaucher du personnel soignant dans nos CHSLD, nos hôpitaux et d'autres établissements. C'est un pas énorme dans la bonne direction. En travaillant ensemble, on va y arriver», a-t-elle commenté.

La ministre a d'ailleurs invité les dirigeants des établissements de santé à se préparer dès maintenant en prévision de cette journée du 8 avril, quitte à faire appel à ceux qui ont quitté le réseau de la santé.

Mme McCann a tout de même servi un avertissement aux infirmières. «La santé et la sécurité des patients ne doivent en aucun cas être mises en péril par le geste symbolique de la FIQ. Le recours au temps supplémentaire obligatoire fait partie des obligations professionnelles des infirmières.»