Le ministère de la Santé du Québec veut que toutes les Québécoises - elles seraient des milliers - qui ont reçu des implants mammaires texturés depuis 1995 soient contactées et avisées d'un risque potentiel de cancer.

Le ministère a rejoint tous les établissements de santé pour leur demander d'ouvrir les dossiers de leurs patientes, dont les femmes ayant subi une intervention chirurgicale de reconstruction mammaire, ­­­­­afin d'identifier celles ayant reçu ces implants spécifiques.

Ils doivent ensuite aviser les femmes concernées, c'est-à-dire toutes celles qui ont reçu de tels implants au cours des 24 dernières années.

Le risque de développer ce cancer serait faible, soit d'une femme sur 30 000 porteuses d'implants texturés, a indiqué une porte-parole du ministère de la Santé du Québec, Marie-Claude Lacasse. Mais le ministère veut que les femmes soient informées.

Cette décision de Québec a suivi une mise à jour publiée par Santé Canada à la mi-février. Le ministère fédéral signalait alors une augmentation du nombre de cas du lymphome anaplasique à grandes cellules associé aux implants mammaires texturés chez les Canadiennes. Au 1er janvier 2019, Santé Canada avait été informé de 22 cas confirmés et de 22 cas soupçonnés. La conclusion de la mise à jour de l'examen d'innocuité de Santé Canada est attendue pour le printemps 2019.

Selon le ministère fédéral, il ne s'agit pas d'un cancer des tissus mammaires, mais d'une forme rare de lymphome non hodgkinien, c'est-à-dire un cancer touchant le système immunitaire qui peut apparaître plusieurs mois ou années après la pose d'implants mammaires. Il se caractérise généralement par l'accumulation de liquide entre l'implant et les tissus environnants.

Les implants visés ont une surface texturée qui ressemble à du papier sablé très fin et qui ont, selon des chirurgiens, une meilleure adhérence aux tissus que les implants à surface lisse, ce qui augmente leur stabilité dans la poitrine.

Difficile de savoir combien de femmes au Québec ont reçu ce type d'implants avant que les hôpitaux et cliniques aient fait le tour de leurs dossiers. Mais le ministère de la Santé du Québec estime qu'elles pourraient être 15 000. Seulement 10 % des femmes ayant des implants ont ceux de type texturés, a-t-il ajouté.

Les femmes seront avisées par lettre des symptômes à surveiller - tels qu'un gonflement anormal d'un sein, des douleurs ou une masse palpable, entre autres - et de prendre rendez-vous avec leur médecin pour un suivi si c'est le cas.

Les signes d'une affection surviennent en moyenne six à huit ans après une chirurgie, selon l'Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec.

Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) indique sur son site internet qu'il va contacter toutes ses patientes pour les informer du risque « très faible, mais potentiel », de ce lymphome. Il a mis une ligne téléphonique à leur disposition.

Ce cancer demeure très rare, écrit le CUSM.

Le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) a aussi reçu cette demande du ministère. Il dit avoir mobilisé ses équipes pour que l'opération se fasse dans les meilleurs délais possible et indique que les lettres devraient être acheminées aux patientes d'ici les prochaines semaines.

Les cliniques privées collaborent aussi avec le ministère : elles ont des registres et vont elles aussi envoyer des missives à leurs patientes, fait savoir le président de l'Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec, Éric Bensimon.

Il souligne qu'elles seront transmises à « titre informatif » aux femmes pour qu'elles soient bien renseignées et qu'elles sachent quels symptômes surveiller. Il voit la démarche comme une campagne de sensibilisation, bien qu'il se dit conscient « que ça peut engendrer une certaine panique ».

Pour les rassurer, il indique que ces implants texturés n'ont pas été très populaires au Québec, contrairement à l'utilisation plus élargie dans l'Ouest canadien et en Europe. Au Québec, ces prothèses ont surtout été utilisées en reconstruction du sein, et moins en chirurgie esthétique, a-t-il expliqué en entrevue. Le seul cas connu en sol québécois a été traité avec succès, rappelle-t-il.

Au Québec, une demande d'autorisation d'intenter un recours collectif contre des fabricants de ces implants mammaires texturés a été déposée à la Cour. Le recours n'a pas encore reçu le feu vert d'un juge.

Selon l'un des fabricants visés par ce recours, Allergan Canada, il n'y a eu aucune nouvelle donnée clinique concernant l'examen du profil avantages-risques des implants mammaires texturés. L'augmentation du nombre de cas de lymphome anaplasique à grandes cellules associé aux implants mammaires signalés à Santé Canada serait principalement attribuable à l'attention récente des médias et à une plus grande sensibilisation à cette maladie, fait-il valoir sur son site internet.

En France, l'Agence de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a recommandé en novembre aux chirurgiens de ne plus utiliser les implants mammaires texturés. Elle a aussi demandé en décembre à la société Allergan de procéder au rappel de ses implants texturés actuellement en stock.