Profondément insultés par un projet de loi caquiste, des milliers de cadres du réseau de la santé et des services sociaux sont à préparer une riposte. Ils promettent de prendre tous les moyens nécessaires pour faire respecter leurs droits.

Mardi, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a déposé le projet de loi 7 qui réduit de 24 à 12 mois l'indemnité de départ des cadres en santé. Elle espère ainsi économiser des « dizaines de millions » de dollars qu'elle redistribuerait dans le réseau.

Le gouvernement Legault reprend donc un projet de loi de l'ex-ministre libéral de la Santé Gaétan Barrette pour éviter de payer une année de salaire aux 1300 cadres licenciés en 2015.

L'encre était à peine sèche sur le projet de loi caquiste mardi que déjà l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS) le pourfendait, y voyant une « dangereuse dérive autoritaire ».

Rappelons qu'en juillet 2017, lorsque les libéraux étaient au pouvoir, la Cour supérieure avait invalidé le règlement de la loi 10 qui aurait réduit de moitié l'indemnité de départ des cadres.

Le ministre Barrette avait riposté avec le projet de loi 160 pour contrecarrer la décision du tribunal qui lui était défavorable à titre d'employeur. Son projet de loi était mort au feuilleton, mais le gouvernement avait porté la cause en appel.

Mme McCann - elle-même cadre du réseau de la santé jusqu'en 2014 - est revenue à la charge mardi, en affirmant « réparer l'erreur » commise par les libéraux.

« C'est le seul groupe dans la fonction publique où il y avait deux ans d'indemnité. Nous on va ramener ça à une année », a-t-elle déclaré lors d'une courte mêlée de presse.

D'ordinaire, un ministre qui dépose un projet de loi à l'Assemblée nationale le présente et l'explique aux journalistes en conférence de presse. Mme McCann a répondu à quelques questions dans le corridor, avant de tourner les talons.

Elle prétend qu'il y a urgence d'agir, d'où son projet de loi déclaratoire, qui s'appliquerait « malgré toute décision judiciaire ».

« Ça fait presque cinq ans que ce dossier est en suspend, a-t-elle plaidé. Il est important de régler ce dossier-là pour les cadres aussi. » Selon elle, la loi actuelle donne tous les pouvoirs au ministre de la Santé d'établir les conditions de travail des cadres.

Les cadres risquent d'être « démotivés » au travail

En modifiant des conditions de travail rétroactivement, le gouvernement Legault insulte les cadres, qui sont déjà à bout de souffle et risquent de se « démobiliser » et se « démotiver », a prévenu Chantal Marchand, présidente-directrice générale de l'AGESSS, en entrevue à La Presse canadienne, mardi.

Les gestionnaires sont ceux qui appliquent les réformes du gouvernement et qui s'assurent, à tous les jours, que les soins et services soient donnés à la population, a-t-elle souligné.

« Moi ma crainte, c'est que ça amène une plus grande démobilisation, parce qu'elle est où la reconnaissance du travail qu'ils font au quotidien, quand on vient modifier leurs conditions de travail qui avaient été dûment négociées », s'est-elle interrogée.

Selon elle, les cadres pourraient commencer à se sentir moins « fiers » de travailler dans le réseau de la santé. « Comment va-t-on attirer des nouvelles personnes ? » se demande la présidente de l'AGESSS, qui reste également perplexe comme « citoyenne » devant un gouvernement qui est « prêt à faire ça ».

Elle promet de consulter ses membres partout au Québec dans les jours à venir pour organiser une riposte. « On va prendre les moyens nécessaires pour faire respecter les droits de nos membres, c'est clair. On regarde nos options (juridiques) », a-t-elle déclaré.