L'idée de donner plus d'autonomie aux «super-infirmières» sourit à la présidente de la FIQ, Nancy Bédard, mais elle préfère attendre de voir jusqu'à quel point les barrières à leur pratique seront levées avant de se réjouir trop vite.

Il faudra aussi voir quelles seront les règles qui entoureront l'élargissement de la pratique des infirmières praticiennes spécialisées, a ajouté en entrevue avec La Presse canadienne la présidente de la plus grande organisation syndicale d'infirmières.

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, s'est dite ouverte à confier plus d'autonomie à ces quelque 500 IPS qui existent au Québec, dans le but de faciliter l'accès aux soins de première ligne pour les citoyens. Mais il faudra, pour ce faire, s'entendre avec le Collège des médecins.

Et c'est là qu'il y a un grand point d'interrogation, croit Mme Bédard, qui représente 75 000 infirmières, infirmières auxiliaires et autres professionnelles en soins.

«On a une volonté, c'est déjà très bien. Mais c'est dans les détails qu'on va voir quelles barrières elle a réussi à faire tomber au niveau du contrôle médical pour que ce soit plus efficace», a opiné Mme Bédard.

Elle rappelle qu'en avril 2018, il y avait déjà eu un certain «élargissement» des règles, en théorie favorable aux infirmières praticiennes spécialisées, pour le traitement des maladies chroniques comme l'hyperthyroïdie, le diabète, l'hypertension, les maladies pulmonaires chroniques. Mais les IPS s'étaient vite rendu compte que, dans les faits, le contrôle médical sur leur profession continuait de prévaloir.

«Il fallait qu'un patient vu par l'infirmière praticienne voie un médecin dans les 30 jours» par la suite, selon ces règles, rapporte Mme Bédard.

«Voir deux professionnels de la santé dans un même mois, ce n'est pas efficace là ! Si on enlève les barrières du contrôle médical, si les patients n'ont pas à être revus dans les 30 jours, juste ça, ça va être une excellente nouvelle», a jugé Mme Bédard.

Elle souligne qu'on peut élargir grandement la pratique de ces IPS, notamment aux soins palliatifs, sans compter qu'elles peuvent donner des congés à l'hôpital, contribuer de façon plus importante aux suivis de grossesse, prendre en charge des patients orphelins.

L'Ontario va beaucoup plus loin que le Québec en la matière, souligne la présidente de la FIQ.

Association des IPS

L'Association des infirmières praticiennes spécialisées abonde dans le même sens. «Actuellement, il y a un dédoublement des rendez-vous médicaux pour les problèmes de santé chronique, étant donné que chaque patient vu par une IPS doit aussi être vu par un médecin. Ça crée un engorgement» plutôt qu'un désengorgement de la première ligne, a souligné la présidente, Christine Laliberté.

Elle dit souhaiter que le Québec s'inspire de ce qui prévaut ailleurs au Canada. «Ailleurs au pays, aucune restriction ne vient limiter la pose de diagnostic par nos consoeurs. Or, les IPS québécoises sont celles dont la formation est la plus longue», a objecté Mme Laliberté.

Partis d'opposition

À l'Assemblée nationale, le porte-parole de l'opposition péquiste pour ces dossiers, Sylvain Gaudreault, s'est aussi dit d'accord sur le principe, mais attend de voir comment tout cela se traduira dans la réalité.

«Permettre aux IPS de pouvoir poser plus d'actes et de gestes, pour nous, c'est extrêmement important. C'est notre position, et on va faire en sorte qu'on y arrive. Maintenant, là, c'est le gouvernement de la Coalition avenir Québec qui est en place, c'est la ministre McCann qui tient les rênes de ce dossier-là. Il faut qu'elle nous démontre qu'elle va y arriver et qu'elle va être capable de donner plus de pouvoirs aux IPS.»

Du côté de Québec solidaire, le député Sol Zanetti a plaidé pour une loi sur les ratios infirmière-patient. «Si on va de l'avant avec cette augmentation des pouvoirs, si on veut des super infirmières, des infirmières spécialisées, c'est la loi sur les ratios. On en parle déjà depuis quelque temps, mais il va falloir, si on donne plus de charges aux infirmières, s'assurer qu'il y ait un ratio de traitant-patients qui ne les pousse pas à l'épuisement», a-t-il opiné.