À 81 ans, bon pied, bon oeil, Raymond Barbier, qui est Français, entendait bien être présent à l'anniversaire de sa belle-soeur au Québec, l'été prochain. Mais surprise! Citoyenneté et Immigration Canada exige qu'il passe au préalable des tests psychologiques.

Quand il s'est informé auprès des autorités consulaires canadiennes des formalités à remplir, M. Barbier a appris qu'il devait obtenir une autorisation de voyage électronique (AVE), comme doivent le faire en général depuis 2016 les voyageurs issus de pays pour lesquels on ne demande pas de visa.

Dans ce formulaire, parmi divers renseignements personnels ou de sécurité, on demande entre autres au voyageur s'il a déjà souffert de tuberculose, s'il a déjà été en contact avec une personne atteinte de cette maladie, s'il souffre de syphilis non traitée, de toxicomanie non traitée, d'alcoolisme non traité ou d'un problème de santé mentale non traité. On lui demande aussi s'il est sous traitement médical régulier pour un problème de santé sérieux.

À tout cela, pour lui comme pour sa femme, M. Barbier a répondu que non, qu'il ne souffrait d'«aucun des troubles ci-dessus».

Sa femme a obtenu son AVE sans autre formalité. M. Barbier, lui, s'est fait dire qu'il devrait faire un bilan de santé.

Les examens de trop

Va pour les tests de sang, va pour la radio du poumon. Mais quand on lui a signifié qu'il devrait de surcroît passer des examens psychologiques, M. Barbier a trouvé que c'en était trop.

En plus, souligne-t-il, les tests doivent être faits par un médecin agréé par le Canada. Ils coûtent 195 euros - 295 $ canadiens -, tarif qui n'inclut pas le prix de la consultation ni les coûts de l'hôtel qu'il lui faudrait débourser dans la grande ville européenne où il devrait se rendre.

Par principe, mais «la mort dans l'âme», dit-il, il a décidé de ne pas les subir, ces examens dont il ignore totalement la nature.

Et tant pis pour le voyage au Québec. «Pas envie de me soumettre à cela, et même si je le faisais, je ne serais même pas certain d'être accepté!»

Globe-trotter depuis toujours, M. Barbier, qui est toujours actif professionnellement, est fréquemment venu au Québec. Il a de la famille ici, mais il est surtout venu au pays à des fins professionnelles une bonne partie de sa vie, alors qu'il était vice-président d'une société internationale et était chargé de sa filiale montréalaise.

Au cas par cas

Béatrice Fénelon, des relations avec les médias au ministère de l'Immigration, des Réfugiés et Citoyenneté Canada, indique qu'«une demande d'évaluation psychologique n'est présentée que lorsqu'un demandeur mentionne dans sa demande un problème de santé qui pourrait le rendre interdit de territoire au Canada pour motifs sanitaires. La mesure prise dépend de chaque cas et est fondée sur les renseignements figurant dans la demande».

«Bien que nous ne fassions pas le suivi du nombre de demandeurs à qui l'on demande de se soumettre à un examen médical, dit aussi Mme Fénelon, le nombre de cas est très faible.»

Dans plus de 80% des cas, précise-t-elle, l'autorisation de voyager est délivrée aux voyageurs étrangers «quelques minutes après la présentation de la demande».

Impossible de savoir pourquoi, pour les mêmes réponses soumises aux mêmes questions, M. Barbier se fait demander des tests psychologiques, mais pas sa femme.

Impact sur le système de santé

De façon générale et sans se prononcer sur ce cas précis, Me Hugues Langlais, avocat spécialisé en droit de l'immigration, explique que les questions sur l'état de santé d'éventuels voyageurs visent à éviter «un fardeau excessif sur le système de santé canadien».

Une personne qui déclarera un problème de santé se verra attribuer une cote. Si elle est sous le coup d'un traitement coûteux, elle pourrait devoir fournir la preuve que ses médicaments sont bien assurés à l'étranger, à défaut de quoi cette personne risque de se voir interdire le territoire.

Quelqu'un qui mentirait sur le formulaire risque gros, selon Me Langlais. «Un mensonge ou une fausse représentation expose le demandeur à une interdiction de territoire qui peut aller jusqu'à cinq ans.»

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Raymond Barbier