Deux Québécois étaient en Cour supérieure lundi matin afin de contester l'un des critères de la législation sur l'aide médicale à mourir.

Deux Québécois atteints de maladies dégénératives et incurables étaient en Cour supérieure lundi afin de contester des critères des législations sur l'aide médicale à mourir, qui les empêchent d'y avoir accès.

«Je suis usée à la corde», a déclaré lundi midi, au palais de justice de Montréal, Nicole Gladu, âgée de 73 ans, l'une des deux personnes qui portent cette contestation sur leurs épaules.

L'autre est Jean Truchon, qui était absent lundi matin, car il devait suivre des traitements, comme à tous les jours. Il était toutefois présent en après-midi et témoignera mardi matin.

Ni l'un ni l'autre ne répondent aux critères des lois pour obtenir l'aide médicale à mourir, même s'ils sont très souffrants et atteints de graves maladies dégénératives pour lesquelles il n'existe pas de possibilité de guérison.

Nicole Gladu souffre d'un syndrome post-poliomyélite et Jean Truchon de paralysie cérébrale : trois de ses quatre membres n'étaient pas fonctionnels dès sa naissance et il vient de perdre l'usage du dernier.

La Loi québécoise concernant les soins de fin de vie réserve l'aide médicale à mourir aux seules personnes «en fin de vie», alors que le Code criminel fédéral parle «d'une mort naturelle raisonnablement prévisible».

Selon l'avocat de Mme Gladu et M. Truchon, ces exigences devraient être déclarées invalides, car elles sont vagues et ambiguës et créent beaucoup trop d'incertitude. Cela force les gens à envisager d'autres méthodes pour mettre fin à leur vie, comme le suicide et la grève de la faim, «une mort cruelle», a lancé leur avocat, Jean-Pierre Ménard.

Il va de plus plaider que ces critères sont contraires à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège leur droit à la vie et à la sécurité, et aussi contraire à l'article 15 qui prévoit leur droit à l'égalité de traitement.

De plus, ces critères ne respectent par l'arrêt Carter de la Cour suprême du Canada rendu en 2015, qui a déterminé qu'il était inconstitutionnel d'avoir une prohibition totale de l'aide médicale à mourir, et qui ne mentionnait pas pareille exigence de «fin de vie» ni de «mort naturelle raisonnablement prévisible».

Si les deux demandeurs ont gain de cause, la portée de loi serait élargie et plus de gens pourraient alors être admissibles à l'aide médicale à mourir.

«Ils se sont battus toute leur vie pour être traités comme les autres», a fait valoir Me Ménard devant la juge Christine Baudouin.

«Ces gens sont au crépuscule de leur vie. Et ils doivent continuer à se battre pour que l'on mette fin à leurs souffrances.

«Il faut respecter les choix de chacun», a-t-il résumé.

En plus de faire invalider ces portions des deux lois, Mme Gladu et M. Truchon demandent au tribunal de déclarer qu'ils sont admissibles à l'aide médicale à mourir.

Le Procureur général du Canada - toute comme la Procureure générale du Québec - sont là pour défendre leurs lois respectives.

Selon le Procureur général du Québec, le critère de «fin de vie» n'est pas indûment restrictif : il est souple et relève de l'appréciation médicale.

Quant au Procureur général du Canada, il soutient que de restreindre l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible est le meilleur équilibre entre les droits de tous.

Car de l'offrir aux autres comporterait des risques démesurés pour la protection des personnes vulnérables et la prévention du suicide. Cela envoie des messages aux personnes vulnérables que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue, sera-t-il argumenté au cours des prochaines semaines.

L'argument est loin de convaincre Mme Gladu. Si l'on ne laisse pas cette option d'aide médicale à mourir à ceux qui ne sont pas en fin de vie, on peut les pousser vers le suicide, a-t-elle déclaré aux journalistes.

Cette contestation des lois doit durer 33 jours au palais de justice de Montréal et plusieurs experts viendront témoigner.

Mme Gladu a témoigné lundi, expliquant à la juge la polio qui l'a plongée dans un coma de quatre mois, alors qu'elle n'avait que quatre ans. Puis, elle a relaté comment elle s'est remise et sa brillante carrière, d'abord comme journaliste puis aux Nations unies et au gouvernement, interrompue par tous les effets du syndrome post-poliomyélite.

Attendre à la dernière minute n'est pas une bonne chose, lui a-t-elle expliqué : on peut ne plus être capable de demander cette aide à mourir. Et dans l'intervalle, on doit vivre des souffrances «qui s'ajoutent à celles qu'on a déjà, et qu'on n'a pas choisies».

La femme dit se sentir prisonnière de son corps.

«La liberté pour moi, ça veut dire de pouvoir choisir. Mais je n'ai pas beaucoup de choix : on me refuse l'aide médicale à mourir. Ou bien je me passe de ça, ou bien je me suicide, ou bien j'attends.

«Ça n'est pas un choix.»

Elle ne pourra assister tous les jours au procès, en raison de son état de santé. Un système de vidéo-conférence a été installé chez elle afin qu'elle puisse suivre les audiences à distance.

Mme Gladu n'a pas été contre-interrogée par les deux procureurs généraux.