Si se stationner coûtera bientôt moins cher dans les hôpitaux québécois, s’y rendre est encore très onéreux pour de nombreux patients habitant en régions éloignées. Non seulement les indemnités sont modestes, mais beaucoup n’y ont pas droit. Dans certaines régions, le ton commence à monter.

Au moins une fois par mois, Daniel Collin, qui habite à Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie, doit faire plus de deux heures de route jusqu’à l’hôpital de Rimouski pour recevoir les injections nécessaires pour freiner sa maladie dégénérative des yeux. Et comme il ne peut pas prendre le volant durant les quatre à six heures suivantes, il doit trouver quelqu’un pour le conduire et payer ses frais. 

Mais même si sa maison se trouve à environ 180 km de l’hôpital, M. Collin n’a droit à aucune aide financière. La Politique de déplacement des usagers du ministère de la Santé s’applique seulement aux distances d’au moins 200 km. « Dans trois ou quatre ans, je m’en vais d’ici. Mais ça ne me tente pas tellement de tout vendre et d’être obligé de payer un loyer à Rimouski », dit-il avec découragement.

Jeanne d’Arc Vallée, également de Sainte-Anne-des-Monts, a pris le problème dans l’autre sens. Indignée d’avoir à aller à Rimouski ou à Maria pour ses cataractes, cette retraitée de 84 ans a recueilli plus de 2000 noms sur une pétition réclamant que cette opération se fasse à l’hôpital local.

« On ne demande pas d’avoir un spécialiste tout le temps. Il y a des endroits qui en ont deux, ils pourraient nous en envoyer un de temps en temps. Je ne le fais pas seulement pour moi, mais aussi pour les gens qui doivent recevoir des injections dans les yeux. À ce jour, il n’y a rien qui fonctionne, mais je continue quand même », dit-elle d’un ton ferme.

13 cents par kilomètre

Dans de nombreuses régions, les patients en ont assez, et le font savoir.

« Les gens m’en ont beaucoup parlé en campagne électorale », dit le député de René-Lévesque, sur la Côte-Nord, Martin Ouellet. Avec deux autres collègues du Parti québécois (PQ), Méganne Perry Mélançon (Gaspé) et Sylvain Roy (Bonaventure), et la députée de Québec solidaire (QS) Émilise Lessard-Therrien (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), ils ont entrepris de monter un dossier.

Dans la majeure partie des cas, ça ne couvre pas totalement les coûts. Les gens doivent payer de leur poche, alors que si j’étais à Montréal ou Québec, à part mon transport en commun ou mon stationnement à 20 $ à l’hôpital, j’aurais accès à ces services.

Martin Ouellet, député de René-Lévesque, sur la Côte-Nord

Même lorsque les patients restent assez loin pour avoir droit à une indemnité, celle-ci est modeste. Le tarif du Ministère pour les cas électifs est de 13 cents du kilomètre, et le forfait « pour couvrir l’ensemble des frais de repas et d’hébergement », de 75 $ par nuitée. Ces sommes sont les mêmes depuis 2009, alors que le coût de la vie a augmenté de près de 20 % depuis 10 ans.

« L’accès aux services est trop souvent compromis, car plusieurs personnes décident de ne pas se présenter à leur rendez-vous par manque de disponibilité financière », souligne la direction du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Gaspésie dans une résolution adoptée à la fin de septembre.

Les politiques locales des CISSS posent d’ailleurs parfois problème. Les CISSS de la Côte-Nord et de la Gaspésie ont ainsi dû ajuster le point de départ utilisé pour le calcul des distances après que des patients se sont trouvés injustement exclus du remboursement. Il faut dire que les CISSS doivent financer ces indemnités à même leur budget. 

Serge Dion, de Longue-Rive, en Haute-Côte-Nord, qui est suivi annuellement par le même cardiologue montréalais depuis une quinzaine d’années, s’est fait demander d’en trouver un qui lui ferait parcourir moins de kilomètres. « On m’a appelé pour me dire : “Pour l’an prochain, il faudrait prévoir de vous trouver un autre cardiologue à Chicoutimi”, qui est plus près », raconte cet infirmier retraité.

Hausse des indemnités ?

Le CISSS de la Gaspésie a tenté une autre approche cet automne, en demandant à Québec d’augmenter l’indemnité à 0,26 $ par kilomètre et à 106,50 $ la nuitée. « Dans la prochaine année, une personne au sein du [ministère de la Santé et des Services sociaux] sera affectée à la révision complète de la politique en question », nous a indiqué un porte-parole du Ministère, Robert Maranda, sans préciser quand commenceraient les travaux.

Au bureau de Danielle McCann, ministre de la Santé, on évoque également la télémédecine pour éviter à des patients de se déplacer.

La question des soins en région, c’est important pour nous. Tout est sur la table pour analyse. Il faut laisser le Ministère travailler pour trouver la meilleure solution à long terme.

Alexandre Lahaie, porte-parole de la ministre McCann

Les députés du PQ et de QS demandent d’être consultés pour qu’ils puissent relayer les préoccupations des patients et des organismes communautaires. « On ne voudrait pas que ce soit exclusivement les CISSS qui participent à la réflexion. On voudrait minimalement s’aligner sur les conditions des travailleurs de la fonction publique », plaide Martin Ouellet.

Pour les fonctionnaires appelés à se déplacer, la directive du Conseil du trésor prévoit un remboursement de 0,47 $/km. Ils ont aussi droit à 79 $ à 138 $ (avant taxes) par nuit d’hôtel, selon la région et la saison, et à 46,25 $ (pourboires et taxes compris) par jour pour les repas.

Ces revendications se font entendre après que la Coalition avenir Québec, répondant à des années de pressions de la part des patients et de divers organismes, a annoncé une réduction des tarifs de stationnement dans les hôpitaux. La ministre McCann a donné à ces derniers jusqu’au 20 juin prochain pour implanter leur nouvelle grille. Les deux premières heures devront être gratuites, avec un maximum de 7 $ à 10 $ par jour selon les établissements.