(Québec) Les médecins de famille restent perplexes devant la menace d’une loi spéciale qu’a brandie sans avertissement François Legault lors d’une entrevue télévisée.

Le premier ministre accordait une entrevue à l’émission Les coulisses du pouvoir, à Radio-Canada, lorsqu’il a lancé cette nouvelle salve. C’était la première fois qu’il prononçait les mots « loi spéciale » en lien avec les médecins de famille.

Il avait fait planer la même menace plus tôt cet automne sur les médecins spécialistes, qui sont appelés à réduire leur enveloppe de rémunération. Les deux parties ont finalement conclu une entente de principe dans les derniers jours.

Dans le cas des médecins de famille, M. Legault dit vouloir les « responsabiliser » en changeant leur mode de rémunération pour qu’ils soient rémunérés en fonction du nombre de patients pris en charge, plutôt qu’en fonction des actes médicaux posés.

« Ça n’a pas de bon sens que des médecins de famille travaillent quatre ou cinq jours par semaine et laissent les patients orphelins le soir et la fin de semaine, a-t-il déclaré en entrevue. Si c’est nécessaire, il y aura une loi spéciale. »

« Tomber des nues »

Les membres de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) sont « tombés en bas de leurs chaises » en entendant cela, a relaté vendredi le porte-parole de la fédération, Jean-Pierre Dion, en entrevue à La Presse canadienne.

« On ne voit absolument rien qui pourrait justifier une loi spéciale à court ou moyen terme », a-t-il affirmé, en déplorant « l’impatience » de M. Legault.

Les négociations vont pourtant « très bien » entre la FMOQ et le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, a assuré M. Dion. « C’est clair qu’on tombe des nues et ça nous laisse perplexes. »

Il n’était « pas nécessaire », selon lui, de brandir cette menace, alors qu’il est bien connu que les médecins sont « ouverts » à revoir le mode de rémunération et à conclure les travaux en ce sens dès la fin-janvier, début-février.

Entre-temps, la FMOQ dit vouloir bien faire les choses. Elle met en garde le gouvernement Legault contre de possibles « effets pervers » ou difficultés d’application : par exemple, comment organiser la rémunération lorsqu’un médecin voit les patients d’un collègue en son absence ?

Des préjugés

La fédération s’insurge contre ce qu’elle perçoit être une « stratégie de négociation » de M. Legault, et contre sa déclaration selon laquelle il faut « responsabiliser » les médecins.

« Il y a 50 supercliniques au Québec qui sont ouvertes sept jours sur sept, 12 heures par jour, 300 groupes de médecins de famille (GMF) ouverts les soirs et les fins de semaine, 2500 médecins de famille qui travaillent dans les salles d’urgence, et on fait 40 % des accouchements au Québec », a dit M. Dion.

« C’est sûr que d’entendre des choses comme ça, malheureusement, c’est plus de l’ordre du préjugé que des faits. […] Ça atteint l’émotivité des médecins, c’est compréhensible et on trouve ça plate », a-t-il renchéri.

En fin de journée vendredi, le bureau de M. Dubé s’est porté à la défense de M. Legault. « Les propos du premier ministre illustrent l’impatience du gouvernement à agir pour mettre en place une véritable prise en charge, un meilleur accès aux soins de santé, au bénéfice des patients », a écrit l’attachée de presse Myrian Marcotte dans un courriel.

Le président de la FMOQ, le docteur Louis Godin, n’était pas disponible pour accorder une entrevue à La Presse canadienne parce qu’il est en vacances à l’étranger.