Dix jours se sont écoulés depuis l’apparition de Lise Pigeon au deuxième débat des chefs en français. La question sur l’élargissement de la loi sur l’aide médicale à mourir posée par la citoyenne n’avait laissé personne indifférent.

« Promettez-vous aux électeurs, oui ou non, d’alléger la loi actuelle comme le recommande la juge Baudoin de la Cour supérieure, mais ce, bien sûr, sans créer d’embûches supplémentaires ? », a demandé Lise Pigeon aux six chefs de partis fédéraux.

Atteinte de deux maladies dégénératives, elle a livré un témoignage franc, qui a touché beaucoup de monde. Devant des millions de téléspectateurs, elle a sans détour confié ne plus pouvoir marcher, porter des culottes d’incontinence et souffrir notamment de ses plaies de pression.

« Je voulais frapper l’imaginaire. Je voulais qu’ils [les chefs] s’imaginent porter des couches à 63 ans. C’est ça, ma réalité. »

Mme Pigeon vit seule dans son appartement de Rosemont, un demi-sous-sol complètement aménagé pour pallier sa perte d’autonomie. Elle souffre de sclérose en plaques, un diagnostic reçu il y a plus d’une trentaine d’années. Elle est également atteinte d’arthrite rhumatoïde.

Cette grave condition la confine à un fauteuil roulant depuis 12 ans. Plus possible pour elle de cuisiner ou de s’occuper des tâches ménagères. 

La situation ne va pas s’améliorer. Je ne peux même plus croquer dans une pomme ou manger un sandwich. Je veux garder ma dignité.

Lise Pigeon

Ce véritable boute-en-train au sens de l’humour mordant qui a vécu aux quatre coins du Québec ne se voit pas vivre aux crochets de sa famille et de ses proches. Celle qui participait à des manifestations et avait la bougeotte redoute le moment où il lui faudra quelqu’un pour la nourrir à l’aide d’une paille. « C’est ça qui m’attend », dit-elle.

Mme Pigeon souhaite avoir accès à l’aide médicale à mourir depuis 2014. Elle a acheté des préarrangements funéraires, ajusté son testament et prévenu ses proches de son désir de mourir dans la dignité, explique la dame de 63 ans en laissant échapper un long sanglot. « J’ai l’air en forme, je fais des blagues, je suis de bonne humeur, mais je souffre et je me considère en fin de vie », confie-t-elle.

Après son témoignage le soir du débat, son entourage l’a félicitée pour son courage. « Je voulais les entendre [les politiciens] un par un me dire s’ils allaient créer des embûches pour les personnes dans ma situation, qui prévoient mourir dans la dignité », répond simplement Mme Pigeon.

44 heures sur le plancher

Perdre son autonomie est humiliant pour une femme ayant été si active tout au long de son existence.

Il y a plusieurs années, Mme Pigeon est tombée sur le dos dans son propre domicile, sans pouvoir se relever. Les deux maladies incurables dont elle souffre affectent grandement sa motricité. Elle est restée 44 heures sur le plancher, sans accès à de l’eau, de la nourriture ou un téléphone, se remémore-t-elle en serrant son téléphone portable. Elle le garde solidement accroché à son cou en tout temps depuis l’incident. La personne qui l’aide à faire le ménage l’a finalement aidée à se relever, après presque deux jours. Elle était déshydratée et une extinction de voix l’empêchait de crier pour demander de l’aide.

« On s’écœure graduellement, on devient plus capable de la douleur et du manque d’autonomie, relate la Montréalaise. Pourquoi j’attendrais encore que mon état dégringole ? Tranquillement, je prépare ma sortie. »