Des patients en fin de vie ont subi des pressions afin de ne pas avoir recours à l’aide médicale à mourir lors de leur passage dans des maisons de soins palliatifs québécoises, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux. Préoccupé par cette situation, Québec a demandé le 3 septembre à tous les directeurs généraux de maisons de soins palliatifs n’offrant pas encore l’aide médicale à mourir dans leur établissement de « reconsidérer » leur position.

Dans une lettre signée par la sous-ministre adjointe, la Dre Lucie Opatrny, et obtenue par La Presse, on peut lire qu’« il a été porté à l’attention du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) des situations où les patients ont été activement et avec pression encouragés à reconsidérer leur décision du choix de l’AMM [aide médicale à mourir] par les employés, ce qui apparaît très préoccupant ».

Victime d’une panne de courant, le MSSS n’a pas été en mesure, hier, de donner plus de détails sur les pressions subies par certains patients.

La situation n’étonne toutefois pas le Dr Georges L’Espérance, président de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité.

C’est connu que ce genre de pression survient parfois.

Le Dr Georges L’Espérance

Directeur de la maison de soins palliatifs Michel Sarrazin et vice-président de l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec, le Dr Alain-Philippe Lemieux affirme pour sa part avoir été « surpris » et « troublé » par le contenu de la lettre de la sous-ministre. Parlant des pressions que peuvent subir certains patients pour ne pas recevoir l’aide médicale à mourir, il assure qu’« aucune maison n’a de politique de ce genre ». Le Dr Lemieux n’a pas voulu commenter la situation davantage, car l’Alliance a demandé une rencontre avec la sous-ministre à ce sujet.

Éviter les transferts

Dans sa missive, la Dre Opatrny rappelle que l’article 13 de la Loi concernant les soins de fin de vie stipule que « les maisons de soins palliatifs déterminent les soins de fin de vie qu’elles offrent dans leurs locaux ». La sous-ministre souligne que « les maisons de soins palliatifs se sont prévalues de manière variable de cette prérogative de la Loi leur permettant d’offrir ou non l’AMM en leurs murs par rapport aux établissements du réseau de la santé et des services sociaux pour qui c’est une obligation ».

La sous-ministre souligne que plusieurs maisons de soins palliatifs ont revu leur position initiale et offrent désormais l’AMM, ce qui permet « d’éviter les transferts vers un autre établissement pendant cette période sensible et intense pour le patient et ses proches ». Mais dans 28 des 35 maisons de soins palliatifs du Québec, l’AMM n’est toujours pas offerte, confirme la porte-parole du Ministère, Marie-Claude Lacasse.

Appel au changement

Le Dr L’Espérance critique sévèrement les maisons de soins palliatifs qui transfèrent les patients qui veulent recevoir l’aide médicale à mourir vers d’autres établissements, « parfois en plein hiver, le soir ». « Ça n’a pas de sens », dit-il. Il juge la situation d’autant plus inacceptable que les maisons de soins palliatifs sont en partie financées par des fonds publics. « On ne peut pas mettre les croyances des médecins et des intervenants en avant du désir des patients », plaide le Dr L’Espérance, qui rappelle que les médecins peuvent refuser de donner l’aide médicale à mourir, mais qu’ils ont alors l’obligation d’adresser le patient à un confrère.

Dans sa lettre, la sous-ministre Lucie Opatrny écrit que la Commission sur les soins de fin de vie a recommandé en janvier que les maisons de soins palliatifs « reconsidèrent leur position de ne pas offrir l’AMM en leurs murs ».

« Sur la base de l’ensemble de ces considérations, le MSSS vous invite à reconsidérer avec vos équipes soignantes et officiellement par la voie de votre conseil d’administration la position de votre maison de soins palliatifs relativement à la possibilité d’offrir l’AMM dans vos locaux et d’assurer une vigile au regard des situations rapportées », peut-on lire.

— Avec la collaboration de Patrick Lagacé, La Presse