Chaque année, environ 337 500 personnes atteintes de troubles de santé mentale fréquentent les urgences du Québec. Pour 77 % d’entre elles, la visite se fait pour régler un problème de santé physique, et non pas pour traiter leur trouble mental, révèle une étude inédite de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publiée ce matin.

Plus souvent aux urgences

Au Québec, 12 % de la population souffre de troubles de santé mentale, ce qui représente environ 865 000 personnes. De ce nombre, 39 % ont visité les urgences dans la dernière année, soit près du double de la population qui ne présente pas de troubles mentaux. Une proportion stable depuis plusieurs années, affirme l’une des auteures de l’étude, Marie-Josée Fleury, professeure au département de psychiatrie de l’Université McGill.

Proportion de personnes ayant visité les urgences dans la dernière année (données pour l’exercice 2014-2015)
Chez les personnes atteintes de troubles mentaux : 39 %
Chez les personnes non atteintes de troubles mentaux : 19 %

Diabète et troubles cardiovasculaires

Jusqu’à maintenant, différentes études avaient démontré que de 4 % à 12 % des personnes atteintes de troubles de santé mentale utilisaient les urgences chaque année. « Ces derniers taux ne focalisent néanmoins que sur l’utilisation de l’urgence pour des raisons de santé mentale, tandis que notre étude a rapporté des taux d’utilisation de l’urgence pour toutes raisons », peut-on lire dans l’étude de l’INSPQ. Selon l’analyse, 77 % des personnes atteintes de troubles de santé mentale qui se sont rendues aux urgences dans la dernière année l’ont fait pour régler un problème de santé physique. Une donnée qui « souligne l’importance des maladies physiques concomitantes aux troubles mentaux chez ces personnes », peut-on lire dans le rapport. Mme Fleury explique que les personnes atteintes de troubles mentaux sont plus susceptibles d’être notamment diabétiques ou de présenter des problèmes de santé cardiovasculaires.

Pourcentage de personnes atteintes de troubles mentaux qui ont visité les urgences durant la dernière année pour des : 
Problèmes de santé physique : 77 %
Problèmes de troubles mentaux : 12 %
(Pour le Québec, exercice 2014-2015)

De « grands utilisateurs »

Chez les personnes atteintes de troubles mentaux, plus de 16 % peuvent être considérées comme de « grands utilisateurs », c’est-à-dire qu’elles ont visité les urgences de 4 à 11 fois dans la dernière année. Et 1 % sont de « très grands utilisateurs », avec 12 visites ou plus. À eux seuls, ces patients représentent près de 50 % des visites aux urgences faites par des patients atteints de troubles de santé mentale dans une année. « C’est un petit groupe qui consomme énormément de ressources. […] Les grands utilisateurs sont connus, mais n’ont peut-être pas les ressources suffisantes ou accessibles en cas d’urgence », note Mme Fleury.

Quelles solutions ?

Pour le porte-parole du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, le fait que les patients atteints de troubles mentaux soient surreprésentés dans les visites aux urgences prouve que « ces personnes n’ont pas d’autres ressources ». Mme Fleury souligne que différentes pistes de solutions existent, comme améliorer l’accès aux médecins de famille. « Surtout pour les patients avec des troubles plus lourds », assure-t-elle. Les médecins travaillant en équipes multidisciplinaires semblent avoir plus de succès dans le suivi de cette clientèle. Parmi les autres solutions, on note l’implantation de programmes de suivi intensif dans la communauté et l’accès à des centres de crise.

Plus souvent hospitalisées

Les personnes atteintes de trouble de santé mentale sont plus nombreuses à être hospitalisées, alors que 34 % de celles qui ont fréquenté les services d’urgence dans la dernière année ont ensuite séjourné à l’hôpital. Dans la population générale, cette proportion n’est que de 20 %.

Durée moyenne d’hospitalisation
Patients atteints de trouble de santé mentale : 16 jours
Patients non atteints de trouble de santé mentale : 8 jours
(Pour le Québec, exercice 2014-2015)

Porte d’entrée en région

Les personnes atteintes de trouble de santé mentale qui résident en région ont été plus nombreuses à fréquenter les urgences (46 %) que celles résidant en milieux urbains (35 %). « Cette donnée n’est pas nécessairement surprenante, car en région, il y a souvent moins de services. La clientèle est alors plus portée à se présenter aux urgences », note Mme Fleury.