Les vaccins n’ont pas la même efficacité selon le moment de la journée où ils sont administrés, selon une nouvelle étude montréalaise. Cela pourrait aider à mettre au point des vaccins pour des maladies comme le sida ou la malaria, et améliorer la protection contre la grippe des personnes âgées.

Rythme circadien

Chez la souris, un vaccin est de deux à quatre fois plus efficace selon qu’il est administré le jour ou la nuit, d’après l’étude publiée le lundi 16 septembre dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). « Le vaccin est un antigène utilisé en recherche qui active une classe de cellules du système immunitaire, des lymphocytes T CD8 », explique l’auteur principal de l’étude, Nicolas Cermakian, du centre de recherche Douglas de l’Université McGill. « Une semaine plus tard, on vérifie s’il y a des lymphocytes T pour cet antigène-là. » La notion voulant que le rythme circadien, la variation du métabolisme entre la nuit et le jour, ait une influence sur le système immunitaire est récente, datant d’au plus 10 à 15 ans, selon M. Cermakian, qui dirige le laboratoire de chronobiologie moléculaire au Douglas.

14 ans de recherches

Le biologiste du Douglas a commencé à collaborer sur la question avec Nathalie Labrecque, une microbiologiste du centre de recherche de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, en 2005. « Nous avons été les premiers au monde à montrer, en 2017, que les infections parasitaires avaient lieu à des moments précis de la journée », soutient M. Cermakian.

PHOTO FOURNIE PAR NICOLAS CERMAKIAN

Nicolas Cermakian dirige le laboratoire de chronobiologie moléculaire au Douglas de l’Université McGill.

Le travail sur les vaccins a commencé en 2013. La prochaine étape est de comprendre les mécanismes en jeu et d’étudier d’autres soldats du système immunitaire, les macrophages. « Les souris ont une activité nocturne et le vaccin est plus actif le jour. Quand on fait une analyse poussée de ces cellules T, tout semble être mis en œuvre le jour pour qu’elles soient prêtes à répondre de manière efficace, alors que la nuit il y a un frein à la réponse immunitaire. » Comme la souris est nocturne, le vaccin semble plus efficace quand elle dort. Est-il possible que cela vise à éviter une réponse immunitaire à un antigène bénin rencontré lors de l’activité nocturne ? « C’est peut-être une manière d’éviter des problèmes d’auto-immunité ou d’allergie, oui », répond M. Cermakian. Est-ce qu’il serait plus efficace de vacciner les humains la nuit ? Non, l’important est de savoir qu’il y a des différences importantes selon le rythme circadien, répond M. Cermakian.

VIH et personnes âgées

L’avancée pourrait-elle améliorer la vaccination contre la grippe ? « Pas nécessairement, parce que dans ce cas, il faut prévoir les souches de grippe à l’avance », assure M. Cermakian. Si ce ne sont pas les bonnes souches, on ne peut pas améliorer l’efficacité du vaccin. « Mme Labrecque me dit que pour plusieurs maladies infectieuses [par exemple le VIH, la malaria, la tuberculose], il n’y a pas de vaccin qui fonctionne. De plus, les vaccins fonctionnent généralement moins bien chez les personnes âgées, ce qui est problématique en particulier pour la grippe et lors de l’émergence de nouveaux pathogènes », a-t-il précisé après avoir consulté sa collègue.

Cancer

L’influence du rythme circadien est davantage étudiée en oncologie. « Les médicaments anti-cancer, particulièrement l’immunothérapie, ont des effets secondaires négatifs plus ou moins forts selon le moment de la journée », explique M. Cernakian. On appelle cela la chronothérapie du cancer. »

Statistiques :

6 % des personnes âgées (de plus de 64 ans) non vaccinées ont la grippe chaque année aux États Unis

2,4 % des personnes âgées vaccinées ont la grippe chaque année aux États-Unis

65 % des personnes âgées ont été vaccinées contre la grippe aux États-Unis en 2017-2018

33 % des personnes âgées ne vivant pas en CHSLD ont été vaccinées contre la grippe au Québec en 2017-2018

78 % des personnes âgées vivant en CHSLD ont été vaccinées contre la grippe au Québec en 2017-2018

Sources : Cochrane, CIUSSS Centre-Sud, CDC