(Vancouver) L’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique et une femme atteinte d’une maladie dégénérative ont suspendu leur contestation judiciaire de la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir, après des preuves fournies par Ottawa qui élargissent l’admissibilité à cette procédure.

La loi fédérale stipule que seules les personnes dont la « mort naturelle est raisonnablement prévisible » peuvent obtenir l’aide médicale à mourir. Or, une experte gouvernementale dans la contestation judiciaire a soutenu que les personnes qui refusent des soins qui prolongeraient leur vie sont aussi admissibles à l’aide médicale à mourir.

La plaignante principale dans la contestation judiciaire, Julia Lamb, âgée de 28 ans, souffre d’une maladie dégénérative, l’amyotrophie spinale, ou maladie d’Aran-Duchenne. Elle tentait en vain, depuis quelque temps, d’obtenir le droit à l’aide médicale à mourir, mais comme elle n’est pas sur le point de mourir, cette possibilité lui était jusqu’ici refusée.

Elle a déclaré mercredi que son soulagement était « indescriptible ».

« Pendant des années, une ombre a plané au-dessus de ma tête. Je craignais un avenir où je serais prise au piège de douleurs et de souffrances causées par la progression constante de ma maladie, sans toutefois en mourir », a déclaré Mme Lamb en conférence de presse mercredi. « Maintenant, cette ombre familière s’est dissipée. »

Mme Lamb a déclaré qu’elle se sentait relativement bien pour le moment et qu’elle ne prévoyait donc pas demander l’aide médicale à mourir pour l’instant, mais elle est reconnaissante d’avoir au moins cette option en mains.

Des médecins trop prudents ?

L’Association des libertés civiles et Mme Lamb avaient contesté dès 2016, en Cour suprême de la Colombie-Britannique, cette restriction fédérale concernant la « mort naturelle raisonnablement prévisible ». Mais dans un rapport récent, la docteure Madeline Li, témoin experte pour le gouvernement et médecin au Réseau universitaire de santé de Toronto, indique que certains médecins pourraient considérer Mme Lamb comme admissible à l’aide médicale à mourir.

La docteure Li, qui administre elle-même cette procédure, écrit qu’après la promulgation de la loi fédérale, les médecins étaient plus prudents et n’offraient l’aide à mourir que lorsqu’un patient avait une espérance de vie très courte. Au moment où Mme Lamb a déposé sa demande, les critères de « mort naturelle raisonnablement prévisible » pouvaient donc constituer un obstacle.

Mais Mme Lamb pourrait aujourd’hui être considérée comme admissible, car elle risque de contracter une infection pulmonaire, écrit la docteure Li. Si elle devait cesser d’utiliser un appareil qui l’aide à respirer la nuit et si elle refusait le traitement pour l’inévitable infection pulmonaire, sa mort naturelle deviendrait effectivement « raisonnablement prévisible ».

« Au cours des trois dernières années, les médecins et les infirmières au Canada ont eu beaucoup à apprendre en interprétant les critères d’admissibilité », écrit Mme Li. « La loi actuelle offre suffisamment de souplesse dans l’interprétation des critères de fin de vie pour ne pas constituer un obstacle aux praticiens qui souhaitent élargir l’accès à l’aide médicale à mourir, alors qu’elle protège les praticiens dont les valeurs ne permettraient pas un tel élargissement des critères. »

Aucun autre expert dans l’affaire n’a contesté le témoignage de la docteure Li à ce sujet, a soutenu l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. L’association n’a pas fourni le rapport d’expert complet, car il serait confidentiel — seul le procureur général du Canada pourrait le divulguer. Mais l’association soutient qu’elle a demandé et obtenu le consentement du gouvernement fédéral pour publier sa lettre au tribunal demandant la suspension de sa contestation — une lettre qui cite le rapport de la docteure Li. La lettre, écrite par l’avocat Joseph Arvay le 6 septembre, indique que le Canada a consenti à la demande de suspension des procédures.

Ni le ministère fédéral de la Justice ni Mme Li n’ont immédiatement répondu aux demandes de commentaires, mercredi.

Jugement au Québec

Grace Pastine, directrice du contentieux de l’association, a déclaré que cette décision constituait « une énorme victoire pour notre cliente et pour les nombreux Canadiens comme elle qui pourraient se trouver dans une souffrance insupportable et sans fin de vie prévisible ».

« La preuve d’expert du gouvernement apporte plus de clarté au personnel médical. Elle confirme que les Canadiens gravement malades et confrontés à des souffrances persistantes et intolérables ont le droit de mourir dans la dignité, même s’ils ne sont pas en fin de vie ou près de l’être, ou que leur mort n’est pas considérée comme prévisible. »

Mais Mme Pastine a déclaré que l’association n’hésiterait pas à rouvrir le dossier si elle apprenait que des Canadiens comme Mme Lamb étaient privés de leur droit constitutionnel à une mort paisible et empreinte de compassion.

Le 11 septembre, la juge Christine Baudouin, de la Cour supérieure du Québec, a invalidé certains critères d’admissibilité des lois fédérale et provinciale jugés trop restrictifs et discriminatoires. Elle a ainsi invalidé le critère fédéral de « mort naturelle raisonnablement prévisible » et le critère québécois de personnes « en fin de vie ». Selon elle, ces critères sont inconstitutionnels, car ils privent des malades d’« une mort digne et sereine ».

La juge Baudouin a toutefois suspendu pendant six mois la déclaration d’invalidité de ces dispositions, le temps pour les législateurs de modifier leur loi respective, qui demeurera en vigueur durant cette période.

L’association britanno-colombienne estime que si Ottawa ne fait pas appel de ce jugement, le critère fédéral de « mort naturelle raisonnablement prévisible » ne constituera donc plus un obstacle au Québec dans six mois, le 11 mars 2020.

Mme Pastine a toutefois précisé que la décision de la juge Baudouin au Québec n’avait pas eu d’incidence sur la cause en Colombie-Britannique.